Le candidat franco-béninois a mordu la poussière

L’économiste de renom en question s’appelle Lionel Zinsou. Après une impressionnante carrière dans la finance en Europe, il a été désigné comme Premier ministre du Bénin il y a 9 mois par le président sortant, Yayi Boni. Son adversaire était Patrice Talon, un homme d’affaires ayant fait fortune dans l’industrie du coton. M. Talon entretient une relation conflictuelle avec le président Boni, même s’il l’a soutenu financièrement des années durant.

Lundi matin vers 5 heures, Lionel a reconnu sa défaite et a applaudi la victoire de l’homme le plus riche du pays. Il était évident bien avant l’annonce officielle des résultats que M. Talon allait remporter plus de la moitié des voix. Et c’est ce qu’il s’est passé. Une ambiance quelque peu hostile mais calme régnait dans les rues de Cotonou. Les petits groupes de citoyens qui ont amené les urnes au centre national de dépouillement scandaient des slogans tels que « T’es pas béninois, retourne chez toi ! » La campagne présidentielle a ainsi été marquée par un racisme latent – notamment encouragé par les discours du président fraîchement élu.

Arbres généalogiques et passeports

Depuis le début de la campagne, les adversaires de M. Zinsou n’ont cessé de le décrire comme un blanc qui ne connaît pas bien le pays. Il est étonnant qu’un candidat appelé Talon mette autant l’accent sur l’origine car M. Talon est en réalité le descendant de vendeurs d’esclaves et son arrière-grand-père était métis, tout comme M. Zinsou. Les enfants de Patrice Talon habitent à Paris et ont la nationalité française, tout comme ceux de M. Zinsou. Et pourtant, seul Lionel Zinsou est décrit comme un étranger. Il semble que la couleur de peau des candidats ait plus de poids que leur arbre généalogique ou leur passeport.

La défaite de Zinsou déçoit tous les espoirs des réformateurs sociaux mais aussi des afro-optimistes.

La défaite de Zinsou déçoit tous les espoirs des réformateurs sociaux mais aussi des afro-optimistes. Les chiffres l’ont montré : le Bénin n’est pas encore prêt pour un président métis.

Nous pouvons dès lors nous demander s’il est toujours exact que les Africains établis en Europe peuvent apporter énormément à leur pays d’origine lorsqu’ils y reviennent ? C’est là une question intéressante, à l’heure où même les candidats les plus talentueux ne sont plus acceptés par la population locale.

Le secret du métis

Il est encore trop tôt pour affirmer que le racisme est la seule cause de la défaite de Lionel Zinsou. D’autres facteurs ont sans nul doute joué, comme l’impopularité du président Yayi Boni, qui a apporté son soutien à M. Zinsou. En outre, la victoire de M. Talon peut s’expliquer par son impressionnant charisme, son image de self-made African man, ses comptes en banque bien fournis et ses discours empreints de populisme.

Ces élections ont néanmoins montré que les individus métis, héritiers de plusieurs cultures, avaient du mal à trouver leur place dans la société béninoise. Les résultats des élections sont sortis. Mais, aujourd’hui, ce sont ces individus métis qui méritent notre attention : que leur réserve donc l’avenir ?

Le secret des métis, un reportage vidéo et un portrait de Zinsou, sera bientôt disponible. Vous pouvez d’ores et déjà regarder la bande d’annonce sur le site de Redhorse Reporters. Ce reportage a été réalisé par Roel Nollet, Luca Putteman, Loes Verhague, Alexandre Kossoko et Akkilou Yacoubou. Nous remercions Journalismfund.eu pour son soutien.