La lutte de Yamina Thabet pour la dépénalisation de l’homosexualité

Dans le Code pénal tunisien, un article vieux de plus d’un siècle condamne l’homosexualité. Yamina Thabet milite depuis des années pour la suppression de cet article. « Nous continuons notre lutte en tant qu’activistes, mais nous atteignons les limites de notre champ d’action. »

  • © Yamina Thabet « Des pressions externes peuvent faire la différence, mais l’UE voit la Tunisie comme une bonne élève sur le plan des droits de l’Homme. » © Yamina Thabet

Yamina Thabet, présidente de l’Association tunisienne de soutien des minorités (ATSM), était en visite à Bruxelles sur invitation du European Parliament’s intergroup on LGBTI Rights

Yamina Thabet : La Tunisie est aujourd’hui une démocratie, un pays où règne la liberté d’expression et pourtant, les personnes homosexuelles y risquent trois ans de prison.

Les relations homosexuelles sont proscrites, conformément au Code pénal, vieux de plus d’un siècle. Il s’agit là d’une atteinte aux droits de l’Homme et à la dignité humaine.

Nous avons depuis peu une nouvelle constitution qui garantit notamment les droits civiques et le droit à la vie privée, mais la police fait parfois des descentes pour surprendre des couples homosexuels sur le fait… C’est une violation pure et simple des principes consacrés par la Constitution.

La police traque-t-elle vraiment les holebis ?

 « La police a depuis plusieurs années recours au test anal. »

Yamina Thabet : Dans certains cas, ce sont les voisins qui les dénoncent, mais la police effectue également des recherches pour savoir si telle ou telle personne est homosexuelle. Les policiers utilisent alors toutes les méthodes de recherche disponibles. Depuis plusieurs années, ils ont également recours au test anal. Ce genre de tests n’a aucune valeur scientifique. Il s’agit surtout d’une forme de torture infligée en toute impunité. Soumis à un interrogatoire et à des tentatives d’intimidation, les jeunes osent rarement contester les résultats du test. Et, souvent, ils ne savent même pas qu’ils en ont le droit.

Quel rôle joue la religion dans ce contexte ?

Yamina Thabet : La religion a beaucoup d’importance aujourd’hui dans la société tunisienne. Je ne parle pas spécialement des partis religieux, car tous les partis souhaitent prouver qu’ils sont de bons musulmans et être réélus. On dit que l’homosexualité est punissable par la loi car elle est contraire à notre religion. Mais pourtant, la vente d’alcool et les bordels ne font l’objet d’aucune interdiction en Tunisie. Je vois là une importante contradiction. Il s’agit d’un discours très moralisateur. Les politiques jouent eux aussi les donneurs de leçons.

Avez-vous observé des changements depuis la révolution ?

Yamina Thabet : Non, mais nous sommes néanmoins libres d’en parler aujourd’hui. En 2011, nous nous sommes mobilisés pour dépénaliser l’homosexualité. Malheureusement, le monde politique considère que la société tunisienne n’est pas encore prête pour passer ce cap. Ce n’est qu’un prétexte, car la société dont ils parlent a soutenu une constitution garantissant le respect des droits de l’Homme et de la vie privée. Je pense que ceci témoigne d’un certain niveau de maturité de notre société, une maturité qui doit être prise en compte.

Nous ne souhaitons pas une nouvelle loi, nous réclamons la suppression de l’article prohibant l’homosexualité. Certains conservateurs admettent que l’homosexualité ne correspond pas à leurs principes, mais ils dénoncent tout de même la peine d’emprisonnement de trois ans que risquent les homosexuels.

Il y a quelques mois, les médias se sont beaucoup intéressés à la condamnation du jeune Marwen, 22 ans, à un an de prison pour avoir eu des relations homosexuelles, soi-disant révélées par un test anal. Cette affaire n’a-t-elle pas stimulé le débat ?

Yamina Thabet : Marwen a reçu de nombreux témoignages de sympathies de la part du peuple tunisien. Il n’était tout d’un coup plus question que d’une loi, mais d’un jeune homme qui avait un prénom, et une histoire. Les citoyens tunisiens se sont reconnus en lui, il leur rappelait aussi leurs enfants. Ainsi, l’opinion publique était sous le choc. C’est grâce à la médiatisation de son affaire et à nos actions qu’il a pu être libéré. Mais faudra-t-il chaque fois que les médias s’en mêlent ? Ce n’est pas l’idée que je me fais d’une démocratie.

Shams, une autre association qui lutte contre la discrimination des personnes homosexuelles, a été contrainte de suspendre toutes ses activités.

Yamina Thabet : Nous avons soutenu cette association dès sa création, l’an dernier. Nous partageons les mêmes valeurs. Il est tout à fait inacceptable que leurs activités aient dû être interrompues. D’autant plus que les explications fournies sont complètement absurdes ; ce serait soi-disant dû à un problème administratif. Cette affaire a donné lieu à de nombreuses critiques dans les médias. Nous attendons maintenant de voir ce qu’il va se passer.

Craignez-vous de subir le même sort que Sham ?

« Notre forte présence dans les médias fait notre force. »

Yamina Thabet : Oui, évidemment. Mais nous défendons les droits des homosexuels depuis 2011 et nos activités n’ont jamais fait l’objet d’une interdiction. C’est peut-être parce que nous défendons les droits de toutes les minorités, je ne sais pas… Notre forte présence dans les médias fait notre force, car on sait que les médias réagiraient vivement si nous faisions l’objet d’une censure.

Pensez-vous que l’article en question sera supprimé du Code pénal dans un avenir proche ?

Yamina Thabet : Nous nous heurtons actuellement à un manque de volonté politique. Les politiques sont convaincus que la société n’est pas prête pour ce changement. Aucun parti tunisien ne soutient publiquement nos idées, et il n’y pas encore eu de débat national sur le sujet. Nous luttons en tant qu’activistes, mais nous atteignons les limites de notre champ d’action. Tout dépend désormais de la volonté des politiques de lancer ce débat, mais nous savons que personne n’ose.

Vous venez de parler avec les députés européens du European Parliament’s Intergroup on LGBTI Rights. Quelle aide l’Europe peut-elle apporter ?

Yamina Thabet : Les pressions externes, notamment de la part de partenaires économiques, peuvent faire la différence. Je ne vois pas d’autre piste pour l’instant. L’UE entretient des relations privilégiées avec la Tunisie, et elle la voit comme un bon élève sur le plan des droits de l’Homme. Je pense qu’il est nécessaire que l’Europe insiste davantage sur le respect de ces droits en Tunisie.

 

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