180.000 familles sur liste d'attente: des capitaux privés à la rescousse des logements sociaux?

Des dizaines de milliers de Belges figurent depuis des années sur liste d’attente pour un logement social. Grâce à des fonds privés, Inclusio en a construit 108. Et ce n’est qu’un début. Serait-ce la formule ultime dont tous ressortiraient gagnants : les actionnaires , avec 3 à 3,5 % de dividendes, les citoyens, plus de logements sociaux et les pouvoirs publics, un moyen de respecter leurs engagements sociaux à moindre coût?

  • © Bart Lasuy Grâce à leur cour intérieure, les résidents ne considèrent plus leurs voisins come des étrangers. © Bart Lasuy
  • © Bart Lasuy Le jardin collectif est un espace pour tous les résidents. © Bart Lasuy
  • © Bart Lasuy Xavier Mertens (avant-plan) : ‘Notre souhait : construire 2000 logements sociaux dans les dix années à venir.’ © Bart Lasuy
  • © Bart Lasuy Les Janoudi, dans leur appartement. © Bart Lasuy
  • © Bart Lasuy Xavier Mertens (à droite) et Lione Van Rillaer sur la dernière terrasse du logement. © Bart Lasuy
  • © Bart Lasuy Le projet de logemetn social vu depuis la rue. © Bart Lasuy

Les Janoudi, une famille syrienne, ont fui leur patrie en 2012, à l’aube de la guerre civile. Comme d’autres familles, elle réside dans un des 38 logements du projet social de la rue Bon Pasteur d’Evere. Le foyer des Janoudi est agréable – pas de problème d’humidité, bien aéré, très bien éclairé.

Les appartements sont disposés autour d’un jardin – d’un côté, une nouvelle construction abrite vingt logements et de l’autre, un bâtiment rénové offre dix-huit appartements. De l’extérieur, la partie rénovée pourrait facilement passer pour un bâtiment récent. Dans l’espace séparant les immeubles, les résidents du rez-de-chaussée bénéficient chacun de leur petit jardin privé, en bordure d’une cour commune.

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Grâce à leur cour intérieure, les résidents ne considèrent plus leurs voisins come des étrangers.

Ce “jardin collectif” et les escaliers extérieurs qui y mènent facilite le tissage de liens entre voisins. Pour le constater, il suffit de prendre sortir un appareil photo. En un rien de temps, un petit groupe de résidents se rassemble. Visiblement, tous se connaissent, ce qui n’est pas évident dans une ville de la taille de Bruxelles.

4 % de rendement et des loyers adaptés aux tarifs sociaux : ce n’est possible qu’à certaines conditions

Si à première vue, les appartements ont l’air nouveaux, cette façade cache une histoire. L’agence immobilière sociale (AIS) Hector Denis administre la location des logements et pratique des loyers modérés, mais ce sont les fonds privés d’Inclusio qui ont rendu la construction possible.

Le loyer d’un appartement une chambre s’élève à 388 euros, auxquels s’ajoutent 112 euros à charge de l’AIS – qui perçoit à cet effet des subsides de la Région bruxelloise. Le propriétaire, Inclusio, encaisse de cette façon 500 euros pour un bien qui vaudrait probablement 650 euros sur le marché privé, estime Gilles Cock, le gestionnaire de l’AIS. Les logements deux chambres du Bon Pasteur coûtent 570 euros, au lieu des 750 euros minimum du marché.

Rendement et dimension sociale

La voie du marché privé et du rendement maximal n’est clairement pas celle choisie par le commanditaire Inclusio et ses partenaires, la banque Degroof-Petercam, la S.A. Re-Vive et la firme Kois Invest. Ensemble, ils ont constaté que pour de nombreux locataires, les loyers exigés par les propriétaires privés sont bien trop élevés, mais que lorsqu’ils introduisent une demande pour un logement social, ils finissent sur une liste d’attente interminable par manque de places, et ce tant à Bruxelles, en Flandre qu’en Wallonie.

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Le jardin collectif est un espace pour tous les résidents.

Inclusio se veut une solution parmi d’autres pour les 180 000 locataires en attente

Xavier Mertens, le CEO d’Inclusio, explique : ‘Notre ambition est avant tout sociale : proposer des logements aux loyers abordables. Notre rendement locatif se situe sous les 5,25 pour cent que les investisseurs institutionnels obtiennent généralement dans l’immobilier, mais beaucoup d’investisseurs l’acceptent en ces temps de faibles taux d’intérêts.’ Cette combinaison – de loyers sociaux et de rendement locatif brut de 4,5 pour cent sur investissement – n’est toutefois possible qu’à certaines conditions, complète Xavier Mertens.

‘Ces conditions concernent l’acquisition de terrains bon marché et l’avantage d’une TVA diminuée à six pour cent pour la démolition et la reconstruction dans 32 communes belges. De plus, la conception du bâtiment doit être bien pensée : grâce aux escaliers extérieurs, comme ici, la surface habitable à louer s’en voit agrandie.’

Une bonne répartition de l’espace entre studios, appartements une, deux et trois chambres permet également à l’entreprise d’atteindre le rendement escompté ; en comparaison, les studios et les appartements une chambre rapportent plus que les autres. Xavier Mertens explique : ‘Un autre avantage de cette répartition, c’est qu’elle génère une bonne mixité sociale, attirant à la fois des personnes seules et des familles.’

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Xavier Mertens (avant-plan) : ‘Notre souhait : construire 2000 logements sociaux dans les dix années à venir.’

Il n’est pas simple de réunir ces conditions, constate-t-on chez Inclusio. ‘Afin de trouver cette combinaison de facteurs, nous devons analyser beaucoup de projets. Seul un cas analysé sur vingt est retenu,’ déclare Lionel Van Rillaer, chief development officer chez Inclusio. ‘Pour certains, notre rendement paraît élevé, mais si nous voulons réellement construire beaucoup de logements, nous devons proposer un rendement correct.’

‘Pour construire beaucoup de logements, nous devons proposer un rendement correct.’

À l’heure actuelle, Inclusio a conçu ou acheté 108 logements. Le fonds participe au considérable projet EKLA, qui prévoit la construction de 180 logements dans le quartier de la gare de l’Ouest, à Molenbeek. Sur l’ancien site de la brasserie Vandenheuvel, Inclusio construira 91 logements sociaux. ‘Notre objectif : nous constituer un portefeuille de 2000 logements sociaux en l’espace de dix ans,’ résume Xavier Mertens.

Autre condition essentielle de la faisabilité de ce modèle : Inclusio doit coordonner ses actions avec l’agence immobilière sociale (AIS), puisque celle-ci prend la responsabilité du risque locatif. Chaque mois, l’AIS verse le loyer ; si le locataire vient à ne plus payer, le loyer est alors à charge de l’AIS et, dans une certaine mesure, des pouvoirs publics, puisque la survie de nombreuses AIS repose sur des aides gouvernementales. ‘Plus de soucis d’inoccupation, de défaut de paiement, de commission à payer à un agent immobilier,’ résume Xavier Mertens.

En outre, Inclusio construit des bâtiments durables, ce qui signifie pour les locataires des factures de chauffage relativement allégées. Ziad Janoudi confirme : ‘Nous payons 100 euros par mois pour le gaz et l’électricité.’

Pourvu que le chat attrape la souris

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Les Janoudi, dans leur appartement.

Gilles Cock, de l’AIS, estime que cette approche peut en partie répondre au besoin vital en logements sociaux. ‘La Région bruxelloise n’a pas les moyens de satisfaire ce besoin. Près de 30 000 familles figurent sur la liste d’attente pour bénéficier d’un logement social. Pourtant, presque aucun nouveau logement n’a été créé dans les vingt dernières années.’

‘Dans les années 2000, 300 nouveaux logements étaient construits chaque année. Aujourd’hui, la nécessité de rénover ceux qui existent est si urgente qu’il n’est plus possible d’en construire davantage. Dans ce cas, l’approche dont il est ici question constitue une manière de progresser dont tous ressortent gagnants : l’investisseur est satisfait du rendement, les citoyens bénéficient de plus de logements sociaux et les pouvoirs publics remplissent un peu mieux leur mission sociale.’

‘La Région bruxelloise parvient à peine à construire de nouveaux logements sociaux. Cette approche permet d’y remédier.’

À court terme, Inclusio voudrait aussi concrétiser des projets similaires en Flandre. À Melle et à Bruges, les négociations autour de deux dossiers sont déjà bien avancées. Il s’agit de projets de logements destinés aux personnes handicapées. Inclusio compte sur le bon vouloir des pouvoirs publics. Xavier Mertens : ‘Les communes peuvent stimuler nos projets en reversant les centimes additionnels au précompte immobilier, comme c’est le cas à Evere, par exemple. Cela dit, certaines communes préfèrent ne pas avoir de logements sociaux, c’est une réalité. Le célèbre phénomène NIMBY est à l’œuvre, comme quand il s’agit d’éoliennes.’

Gilles Cock souligne que les AIS bruxelloises gèrent environ quatre milliers de logements sociaux. Ce n’est pas suffisant pour résoudre le besoin de tels logements, mais ce n’est pas rien. Jusqu’où pourra aller Inclusio ?

Pascal De Decker, expert en logement et chargé de cours principal à la faculté d’architecture de la KULeuven, croit en cette approche. ‘En principe, je n’ai rien contre, surtout lorsqu’une AIS sert d’intermédiaire. Selon moi, d’importantes sommes privées pourraient être attirées dans le secteur des logements sociaux. Je n’ai jamais compris pourquoi ce qu’on appelle les prêts citoyens ne pourraient pas être employés pour la construction de logements sociaux. Le modèle des AIS a grand besoin d’être élargi. Si cette approche le permet, pourquoi pas ? Pourvu que le chat attrape la souris.’

Traduction : Marie Gomrée

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