L’Afrique australe frappée de plein fouet par El Niño

L’absence de pluie en Afrique australe se traduit par des coupures d’électricité, une diminution de la production alimentaire et de l’inflation. L’année 2016 risque d’être une catastrophe pour la région.

  • (CC by-nc-nd 2.0) - La sécheresse actuelle relance le débat : comment les petits agriculteurs peuvent-ils continuer à garantir la sécurité alimentaire de la région ? (CC by-nc-nd 2.0)
  • (CC by-nc-nd 2.0) Une fermière de Lesotho fait entrer ses vaches dans l’enclos. Il faudra des années avant que le troupeau, décimé, ne soit reconstitué. (CC by-nc-nd 2.0)

En bon Belge que je suis, je me surprends encore à détester la pluie. Je sais pourtant que l’Afrique australe voit tout autrement les averses : ici, une bonne douche est accueillie avec enthousiasme.

La saison des pluies s’étend ici d’octobre à avril, et les précipitations sont particulièrement importantes entre les mois de novembre et de mars. Cela signifie que c’est seulement pendant cette période que les champs peuvent être cultivés et les réserves d’eau alimentées.

La menace d’une pénurie alimentaire

Il existe un lien étroit (mais complexe) entre le modèle de précipitation de l’Afrique australe et le cycle El Niño-Southern Oscillation (ENSO). Á cause d’El Niño, les épisodes chauds au niveau de l’équateur dans l’océan Pacifique s’accompagnent  d’une baisse des précipitations.  Á l’inverse, la hausse de précipitations est quant à elle causée par des épisodes plus froids. En dix ans, la sécheresse causée par El Niño n’a jamais été aussi intense. Les prévisions météorologiques annoncent une forte baisse des précipitations.

Alors que nous sommes en plein milieu de la période des cultures 2015-2016, les pluies sont arrivées avec parfois jusqu’à un mois et demi de retard en Afrique du Sud, au Zimbabwe, au Malawi, au Lesotho, en Angola, au Mozambique, en Zambie et en Namibie.

Les précipitations sont en outre mal réparties et s’accompagnent de températures anormalement élevées.

L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a prévenu que les précipitations actuelles exacerbaient les effets de la mauvaise récolte de l’an dernier.

(CC by-nc-nd 2.0)

Une fermière de Lesotho fait entrer ses vaches dans l’enclos. Il faudra des années avant que le troupeau, décimé, ne soit reconstitué.

La faim et la soif

Un tiers de la population de Lesotho est menacé par la faim tandis que, au Botswana, les réserves d’eau du barrage Gaborone n’augmentent pas. Le barrage Kariba, qui s’étend sur 5.580 km2 à la frontière entre la Zambie et le Zimbabwe, est le plus grand réservoir d’eau au monde. Cependant, à l’heure actuelle, il est utilisé à moins de 15% de sa capacité. Cette situation crée des problèmes d’approvisionnement en électricité « verte ». En Zambie, les coupures de courant durent ainsi parfois 12 heures.

La sécheresse régnant dans la région a une influence directe sur l’Afrique du Sud : deux tiers des cours d’eau du pays sont alimentés par des systèmes hydrauliques régionaux. Le barrage Katse au Levotho, bien qu’il soit controversé, est par exemple une source importante d’eau pour la province sud-africaine du Gauteng.

Le maïs blanc sud-africain

L’Afrique du Sud produit 40% du maïs récolté dans la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC). Il est ici principalement question de maïs blanc, une variété moins demandée dans les autres régions du monde.

Dans les principales régions productrices de maïs blanc d’Afrique du Sud, l’état d’urgence a été déclaré au vu de la sécheresse persistante.

Le Comité d’estimation des récoltes (CEC) d’Afrique du Sud estime que, en 2016, le pays ne produira que 7,44 millions de tonnes de maïs, soit 25% de moins que les 10 millions de tonnes nécessaires chaque année. Un peu moins de la moitié de ces récoltes est constituée de maïs blanc. Dans les principales régions productrices de maïs blanc d’Afrique du Sud, l’état d’urgence a été déclaré au vu de la sécheresse persistante.

De plus, l’importation de maïs est devenue plus chère car la monnaie locale, le rand, a subi les effets du ralentissement de l’économie chinoise, des évaluations négatives des agences de notation et de remplacements irréfléchis  au ministère des Finances.

Les sept fléaux du Sud

Les conséquences de cette sécheresse sont multiples. Outre la pénurie d’eau potable qu’a connue l’Afrique du Sud en décembre, cette sécheresse se traduit par des problèmes d’alimentation du bétail, de mauvaises cultures, des feux de forêts et de champs. Le prix des denrées alimentaires a explosé et l’inflation est passée en un mois seulement de 4,8 à 5,2%. Cette hausse a surtout de graves conséquences pour les familles les plus pauvres.

Pour un nombre croissant de petites entreprises, le risque d’être rachetées par de grands groupes financiers et agro-alimentaires est réel. En outre, la hausse du taux de chômage au sein des ouvriers agricoles engendre une migration vers les villes.

Insécurité alimentaire

Lorsque je traverse les provinces de l’État libre et du Cap oriental, des régions violemment touchées par la sécheresse, tout semble pourtant aller pour le mieux. Après quelques fortes averses, de jeunes pousses redonnent un éclat verdoyant aux terres qui, en janvier, n’étaient que des étendues rocailleuses où le bétail mourait de faim. Des organisations civiles ont amené de l’eau potable et du fourrage provenant d’autres provinces. Les petits et les gros éleveurs se sont hâtés avec leurs bêtes vers les ventes publiques afin de limiter leurs pertes.

Il faudra toutefois des années avant que les troupeaux, décimés, ne soient reconstitués. Il faudra bien plus d’efforts pour améliorer les moyens de subsistance très limités des tranches les plus pauvres de la population.

© Evert Waeterloos

Le barrage Theewaterskloof, situé non loin des vignobles de Franschhoek, est une importante source d’eau potable pour la ville de Cape Town, mais il est à ce jour rempli à seulement 30 % de sa capacité.

Rien de nouveau sous le soleil cuisant

L’Afrique australe souffre régulièrement de sécheresses. L’Afrique du Sud occupe quant à elle la 31e place du classement des pays en fonction de leur degré de sécheresse. En Afrique australe, seulement 17% de l’agriculture peut se passer d’irrigations, ce qui met à mal les pays à revenu intermédiaire – qui forment le moteur économique de la région.

Au sein des régions fortement peuplées telles que la province du Cap oriental, près de la moitié des habitants doit faire face à une insécurité alimentaire.

Dans les villes, 20% de la population rencontre des problèmes d’insécurité alimentaire, contre 30% à la campagne. Au sein des régions fortement peuplées telles que la province du Cap oriental, près de la moitié des habitants doit faire face à une insécurité alimentaire.

La sécheresse qui sévit lance donc de nombreux défis à l’Afrique du Sud. Elle souligne clairement la répartition inégale des terres agricoles et l’inégalité des chances sur le plan économique. La constante urbanisation (informelle) complique l’approvisionnement en eau et l’assainissement des eaux usées, qui laissent parfois à désirer.

Le groupe de recherche Water Research Council estime qu’un tiers de l’eau est perdue à cause de fuites dans les conduits.

Des changements à l’horizon

Une série de nouvelles mesures et de textes de lois sont en préparation afin de permettre aux agriculteurs noirs de mieux s’intégrer au secteur agricole en leur offrant des terres et un soutien technique.

La sécheresse relance le débat sur la manière dont les petits agriculteurs peuvent garantir la sécurité alimentaire du pays. Les dernières pluies ont également donné un aperçu des efforts que devra faire le pays pour s’adapter au changement climatique. Quelques camions remplis de bétail et de bouteilles d’eau seront ici très loin de suffire.

Nul ne sait encore quels seront les effets de ces défis climatiques, politiques, sociaux et économiques sur la prospérité  du pays. Il n’en reste que cette situation ne consolide pas la fragile confiance (inter)nationale dans la reprise d’une transition socio-économique rapide et approfondie en Afrique du Sud.

Evert Waeterloos est responsable de projets en Afrique du Sud pour l’Agence belge de développement CTB. Il est chargé d’un projet portant sur le développement participatif et les réformes du pays.

Article traduit du néerlandais par Salomé Laviolette.

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