« Après le marais Wiels, la Région doit sauver la friche Josaphat ! »

La bataille pour deux sites naturels uniques au cœur de Bruxelles

© Patrice Deramaix

 

Au cœur de Bruxelles se trouvent deux terrains vagues. Maintenant que le Marais Wiels a été acheté par la Région bruxelloise, les habitants espèrent que la Friche Josaphat sera aussi préservé. Selon eux, les deux zones devraient devenir des zones protégées afin d’éviter de nouvelles constructions.

Fin octobre, Rudi Vervoort (PS), ministre-président de la Région bruxelloise, a annoncé que la Région allait acheter le Marais Wiels. L’objectif est de protéger le marais, situé le long de la voie ferrée à Forest et à côté du musée Wiels et du centre culturel Brass, ainsi que de créer une place de quartier et des logements sociaux. Les résidents demandent depuis longtemps de protéger la zone et s’opposent à divers projets sur ce morceau de nature unique.

Les plans de construction prolongés de la Friche Josaphat, située sur un ancien site ferroviaire à la frontière entre Schaerbeek et Evere, sont également controversés. Ce site de 24 hectares abrite une faune et une flore uniques qui seraient irrémédiablement perdues si le site était construit. Maintenant que le Marais Wiels est sauvé, les habitants espèrent également sauver la nature de la Friche Josaphat.

Avant la fin de l’année, Vervoort veut présenter un plan modifié qui tient compte des commentaires de l’enquête publique qui s’est tenue à la fin de 2019. La déclaration politique de Vervoort du 29 octobre semblait déjà prometteuse : « Nous devons construire la ville en redonnant à la nature et à la biodiversité une place de premier plan ». Est-ce que la Friche Josaphat sera également sauvée ou s’agirait-il seulement du marais Wiels ?

Un marécage au milieu de la ville

Le marais Wiels a été créé par erreur, il y a une dizaine d’années, lorsque l’ancien site de la brasserie Wielemans-Ceuppens a été inondé lors de travaux de fondation. Le site est resté intact pendant des années après la faillite de la brasserie à la fin des années 80.

© Patrice Deramaix

 

Au début des années 2000, elle a été rachetée par l’agent immobilier JCX. Il y voulait construire des bureaux en 2006, mais lorsque le site a été inondé, il a été abandonné pendant un certain temps. Peu à peu, le terrain s’est transformé en un espace naturel unique que les habitants ont baptisé le « Marais Wiels ».

« La biodiversité de l’eau et du site correspond à celle d’un marécage. Mais ce n’est pas vraiment un marécage, l’eau vient de la nappe phréatique », explique Geneviève Kinet, l’une des initiatrices du groupe Facebook Marais Wiels.

Avec d’autres bénévoles du quartier Wiels, elle a mis en place de nombreux projets pour rendre le lieu plus accessible au grand public, comme des actions de nettoyage hebdomadaires pour nettoyer les nombreux déchets du site. Les résidents locaux entretiennent aussi des jardins potagers et des ruches. Ils s’opposent avec ferveur aux projets successifs de construction sur le site.

En 2017, JCX a soumis une demande de permis de construire pour un projet de 220 appartements et plusieurs places de parkings. Comme d’habitude pour une telle proposition, une enquête publique a été mise en place. Les habitants du quartier ont ensuite eu quinze jours pour consulter les plans et soumettre un avis au comité de concertation, qui comprenait la commune, la région, Bruxelles Environnement, la Direction du patrimoine culturel et Bruxelles Mobilité entre autres. Les habitants s’inquiètent de la perte de biodiversité et des effets du grand nombre de logements sur la mobilité dans le quartier.

© Patrice Deramaix

 

Finalement, le comité de concertation a émis un avis négatif et le projet a été rejeté. Une deuxième demande en 2018, cette fois avec 170 appartements et un peu moins de places de parking, a également reçu un avis défavorable du comité. Cependant, la Région n’a jamais pris de décision finale sur un éventuel permis et le projet est en suspens depuis.

Même si cela signifiait que le site pouvait de facto continuer à exister, ce n’était pas suffisant pour la population locale. Sans poubelles ni collecte des déchets, les gens continuaient à laisser des ordures sur le site. Les roseaux et les arbres devraient également être entretenus afin qu’ils ne s’emparent pas du marais. C’est pourquoi les résidents s’efforcent de faire reconnaître le site comme une réserve naturelle.

Certains d’entre eux ont pris les choses en main et ont fait appel à différentes personnes de l’administration bruxelloise et des autorités respectives. « Nous avons réalisé que les propriétaires et les entrepreneurs allaient négocier avec la Région, alors pourquoi ne pourrions-nous pas le faire ? », déclare Kinet. Le quartier a reçu le soutien de la nouvelle administration municipale, qui a également incité la Région à acheter le site, une idée qui a pris forme au cours de l’été 2019 et qui est maintenant réalisée.

« Sauvons la Friche Josaphat »

De l’autre côté de Bruxelles, à la frontière entre Evere et Schaerbeek, se trouve la « Friche Josaphat ». Ce terrain vague est un ancien triage de la SNCB qui n’a pas été utilisé depuis les années 90. En conséquence, l’endroit est devenu un espace naturel unique. En 2006, le gouvernement bruxellois a acheté le site à la SNCB. Le maire d’Evere de l’époque, Rudi Vervoort (PS), a vu un grand potentiel pour y construire un quartier, un plan qui est toujours sur la table, maintenant qu’il est ministre-président.

© Bernard Pasau

 

Un premier plan pour l’aménagement du site Josaphat a été lancé en 2013. Le Plan d’Aménagement Directeur (PAD) prévoyait la construction d’un nouveau quartier de plus de 1 800 logements, ainsi que des équipements pour les futurs résidents, tels que des écoles, des garderies, des infrastructures sportives et culturelles, et une zone verte de quatre hectares. Une petite partie du site était destinée aux bureaux et à l’industrie urbaine.

Comme pour les plans de construction du Marais Wiels, on a ensuite organisé une enquête publique. Là aussi, de nombreux habitants ont exprimé leur inquiétude quant au grand nombre de logements et à leur incidence sur la circulation. Comme la Région a réalisé qu’il y avait beaucoup d’opposition, le nombre de logements a été réduit à 1 600 dans une deuxième proposition.

Ce projet a également été soumis à un examen public du 3 octobre au 2 décembre 2019. Plus de 500 avis d’habitants de Schaerbeek, de la commune elle-même, d’associations de protection de la nature, mais aussi des organes gouvernementaux, tels que Bruxelles Environnement, la Direction du patrimoine culturel et Bruxelles Mobilité, ont été reçus. Une pétition intitulée « Sauvons la Friche Josaphat » a été lancée et compte aujourd’hui 9 000 signataires. Au début du mois de juin, la Commission régionale de développement (CRD) a émis un avis accablant pour le Plan d’Aménagement et a recommandé, entre autres, de laisser une plus grande partie du site non développée.

Une riche biodiversité

L’un des principaux arguments en faveur de la préservation du Marais Wiels et de la Friche Josaphat est que ces terres en jachère sont essentielles pour la restauration de la biodiversité.

Témoin de cette riche biodiversité, le site Observations.be, sur lequel les amoureux de la nature partagent leurs observations. Vous pouvez constater que rien qu’en novembre, plus de soixante-dix oiseaux ont été dénombrés dans le Marais Wiels, dont plusieurs ouettes d’Égypte, des foulques macroules, des gallinules poule-d’eau, des mouettes rieuses et des grands cormorans.

La mascotte du marais est le grèbe castagneux. « Vous ne le trouverez nulle part ailleurs à Forest », indique Kinet. Les eaux peu profondes en font l’endroit idéal pour cet oiseau. En outre, il y a beaucoup d’autres formes de vie moins connues que l’on trouve parmi les roseaux épais comme les grenouilles, les salamandres, le bruant des roseaux, le héron, etc. Selon Kinet, afin de protéger toute cette vie, il est absolument crucial de ne pas construire ici.

© Patrice Deramaix

 

Déjà dans la première enquête publique de 2015, les habitants proches de la Friche Josaphat soulignaient l’importance de la biodiversité sur le site. « Il faut comprendre qu’avant 2014, peu de gens parlaient de la biodiversité », explique Mathieu Simonson, porte-parole du collectif Sauvons La Friche Josaphat.

Depuis septembre 2019, le collectif travaille à la reconnaissance du site comme réserve naturelle. Jusqu’à présent, plus de 1 200 espèces ont été observées, avec de nouveaux arrivants chaque année. En plus de cela, le site est un passage pour les oiseaux migrateurs d’Allemagne et de Scandinavie qui se dirigent vers le sud. « Si nous construisons sur le site, ce passage n’existera tout simplement plus », souligne Simonson.

Avec seulement quelques arbres et peu d’activité humaine, le site Josaphat est particulièrement intéressant pour les insectes. Quelque 150 espèces d’abeilles sauvages ont déjà été observées sur le site, elles représentent une espèce menacée en Europe. Simonson explique : « La raison pour laquelle elles ont déménagé sur le site de Josaphat est qu’aucun pesticide n’y est utilisé. » Les libellules trouvent aussi facilement leur chemin vers le site. Vingt-neuf espèces ont déjà été observées, dont certaines très rares.

Les nombreux insectes qui y vivent permettent à leur tour aux populations d’oiseaux fortement réduites de se rétablir. Le site Josaphat est un exemple de « rewilding », comme l’a expliqué David Van Reybrouck dans une lettre ouverte en avril. Cela signifie que les terres humaines sont rendues à la nature afin que la biodiversité puisse être restaurée. Le Marais Wiels peut également être considéré comme une telle forme de rewilding. En raison de la crise de la biodiversité de plus en plus menaçante, les habitants ne veulent pas que ces sites soient construits.

© Bernard Pasau

 

Un espace public précieux

La bataille pour le marais de Wiels et le site Josaphat est aussi celle de l’espace public dans la ville. Pendant le confinement, on a pu constater à quel point les quelques parcelles de verdure des quartiers densément peuplés de la ville étaient les bienvenues.

Les citadins préfèrent donc ne pas construire sur ces morceaux de verdure. Un nouveau quartier sur le site Josaphat devait accueillir la population croissante, mais depuis les premiers plans, la croissance démographique de Bruxelles a été plus lente que prévu et la pénurie de logements est donc moins grave. La construction d’un grand quartier sur le site est donc jugée inutile par les habitants.

En plus d’une zone verte, les plans du Marais Wiels prévoient également la construction de soixante-dix à quatre-vingts logements de classe moyenne ou sociaux. Cette dernière chose soulève des questions chez un certain nombre de résidents locaux, explique Kinet. Ils ne sont certainement pas opposés au logement social, mais selon eux, cela pourrait être ailleurs. « Nous devons donner l’exemple. Il y a suffisamment de bâtiments vides, ce que nous appelons la “vingtième commune de Bruxelles”. Nous devons rénover ces bâtiments et les transformer en logements sociaux », déclare Kinet. Des citoyens engagés soulignent depuis longtemps les écarts entre la politique du logement et les nombreux bâtiments inutilisés de la ville.

« Le débat qui oppose la nature au logement social est complètement dépassé », déclare Simonson. « Il n’est pas nécessaire de détruire cette nature pour la construction de logements sociaux. Bien sûr, il doit y avoir des logements sociaux à Bruxelles, mais pour l’instant, des millions de mètres carrés de bureaux sont vacants en raison des conséquences de COVID-19. Ceux-ci peuvent être rénovés et transformés en logements sociaux ». Selon le collectif, il est impensable que le gouvernement utilise la pénurie de logements comme prétexte pour détruire la Friche Josaphat.

Non au logement privé

« Ce qui m’inquiète, c’est que ce logement social finira par revenir sur le marché privé au bout de dix ans », déclare Kinet. Cela permettra la reprise de la spéculation, ce qui encourage la gentrification et pourrait faire augmenter les loyers dans le quartier. Avec la gentrification, un quartier est « revalorisé » en attirant de nouveaux résidents aisés. Malheureusement, cela signifie que les personnes moins fortunées doivent quitter leur quartier.

Le collectif Sauvons la Friche Josaphat s’inquiète également de ce qui se passera une fois que les maisons seront entre les mains de promoteurs privés. Sur les 1 600 logements prévus dans le Plan d’Aménagement, 56 % seraient développés par des entrepreneurs privés. Possiblement, les terrains destinés à ces maisons finiront également à nouveau dans des mains privées. Cela n’est pas sans importance, étant donné que le site Josaphat est l’une des rares réserves foncières détenues par la Région Bruxelloise elle-même.

La partie restante, 44 %, serait constituée de logements sociaux. Une partie de cette somme, environ 18 %, serait construite et vendue par citydev.brussels, qui construira également les logements du Marais Wiels. Ces bâtiments pourraient éventuellement être privatisés, bien que les terres elles-mêmes relèvent de la Région. En tout cas, seule une petite partie, les 22 % restants, serait effectivement affectée au logement social, qui restera certainement dans le domaine public à long terme.

Il y a évidemment un grand besoin de logements sociaux à Bruxelles. Le 30 septembre, 49ؘ 135 familles figuraient sur la liste d’attente pour un logement social. Depuis 2004, les loyers ont augmenté de plus de 20 % et les salaires n’ont pas augmenté en proportion. C’est pourquoi il est très difficile pour de nombreux habitants de Bruxelles de trouver un logement locatif abordable. Pour beaucoup de résidents, les plans actuels ne répondent pas à ce besoin de logement social.

Gestion de l’eau et îlots de chaleur

En outre, l’appel à un moratoire sur la construction est essentiel par rapport à la crise climatique. Afin de reconstituer le niveau des eaux souterraines – qui est trop bas en de nombreux endroits – et de réduire le risque d’inondation, il est important que l’eau pluviale puisse s’infiltrer dans le sol au lieu d’être évacuée par les égouts. Pour cela, l’adoucissement est crucial. Cela implique moins de bâtiments et moins de rues ou de places pavées.

© Bernard Pasau

 

Il semble maintenant que les plans pour le Marais Wiels, qui est situé dans une zone inondable, permettront de résoudre efficacement ce problème grâce à une « gestion intégrée des eaux pluviales ». Concrètement, un réservoir d’eau doit être construit pour collecter les eaux pluviales de la municipalité de Forest, qui est située plus haut.

Il n’est pas encore clair si les eaux collectées retourneront au réseau d’égouts de manière contrôlée ou si on les laissera s’infiltrer dans le sol (les études techniques doivent encore commencer), mais si l’on veut également s’attaquer au problème des eaux souterraines, cette dernière chose est cruciale.

L’adoucissement est également important pour atténuer la chaleur dans la ville. Les zones pavées stockent la chaleur. « Le béton sur le sol naturel provoque une augmentation de la température et la création d’îlots de chaleur, ce qui est un problème majeur à Bruxelles », explique Simonson. Les espaces verts tels que le Marais et la Friche Josaphat, en revanche, apportent de la fraîcheur à la ville. « Nous ne pouvons pas lutter contre les îlots de chaleur et détruire cet endroit en même temps », souligne Simonson.

La démocratie participative

Selon Simonson, malgré les promesses de démocratie participative, les citoyens n’ont en réalité que peu d’influence sur le processus décisionnel. Selon lui, si le gouvernement de Bruxelles veut écouter les plus de cinq cents avis et neuf mille signataires, il doit communiquer les plans et impliquer les gens dès le début du processus de décision.

Il est à noter, par exemple, que le grand public n’a pu prendre connaissance des plans du site Josaphat qu’en 2015, alors que ces plans étaient déjà discutés et approuvés à huis clos en 2013.

« Quinze jours pour examiner les plans et donner des conseils, c’est peu de temps », déclare Kinet. Lorsqu’ils ont entendu parler des plans de JCX pour la première fois, certains habitants ont immédiatement pris des mesures. « Au lieu d’attendre l’enquête publique, nous voulions connaître les plans à l’avance , précise Kinet. C’était très difficile. Deux semaines seulement avant que la proposition ne soit rendue publique, ces habitants ont pu s’entretenir avec quelques parties intéressées, mais à ce moment-là, les plans avaient déjà été élaborés.

Néanmoins, selon le communiqué de presse de Rudi Vervoort, cette fois-ci, le quartier serait activement impliqué dans les discussions pour les nouveaux plans du Marais Wiels. Les résidents voudraient bien un centre de la nature ou un centre d’observation dans le Métropole, un ancien bâtiment classé qui abritait les bureaux de la brasserie et qui a également été acheté par la Région. Il reste à voir s’ils seront entendus.

Une ville verte ?

Sur la base de l’avis négatif de la Commission régionale de réveloppement (CRD), le ministre-président Rudi Vervoort souhaite présenter un plan adapté avant la fin de l’année, qui comprendra également un nouveau rapport sur les effets environnementaux. Mais même s’il doit y avoir une version révisée du Plan d’Aménagement, Simonson souligne qu’il devrait y avoir une autre enquête publique.

Selon le collectif Sauvons la Friche Josaphat, c’est un moment décisif pour Bruxelles. « La ville de Bruxelles se présente comme une ville verte, mais les politiciens sont généralement indifférents à la crise de la biodiversité et du climat », explique Simonson. Si Bruxelles veut vraiment défendre son statut de ville progressiste au niveau de l’environnement, elle devrait, selon lui, donner l’exemple. « La décision de la Région de racheter le Marais Wiels va dans la bonne direction et semble marquer une volonté de préserver certains espaces de nature à Bruxelles. La cohérence voudrait qu’une décision de ce type soit prise à Josaphat », conclut le collectif dans son communiqué de presse.

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