L’amour en temps de guerre

Kim Nguyen, cinéaste (scénariste, régisseur, producteur)

Le cinéaste canadien Kim Nguyen est passé par Turnhout fin avril pour fermer le festival de film Open Doek avec son plus récent film de long métrage Rebelle. Le film débutera dans les salles belges au début de 2013. En attendant, voici un portrait d’un spécialiste passionné qui était parti au Congo pour raconter une histoire d’amour et de ressort.

  • MO*/Kris Dewitte Kim Nguyen. MO*/Kris Dewitte

Lors de ma première rencontre avec Kim Nguyen, il me dit d’avoir le sentiment de vivre des montagnes russes émotionnelles. ‘Hier encore, j’étais à côté de Robert de Niro ; aujourd’hui je suis ici à Turnhout avec vous. C’est fantastique’, dit-il en riant à gorge déployée. Peu sont les gens qui arrivent à dire une telle phrase sans vantardise, mais Kim y arrive parfaitement. Surtout parce qu’il paraît que, lui-même, il ne croit toujours pas qu’il vit tout ceci vraiment. Un Ours d’argent à Berlin en février et deux prix sur le festival de film de Tribeca à New York donnés par Robert de Niro hier ne l’empêchent pas d’attendre aussi une grande aventure dans la Campine.

Kim a cette rare qualité de pouvoir aller au-devant d’autres sans aucune forme d’hiérarchie, avec une curiosité ouverte et de la familiarité, comme si – dans une autre vie – nous avions pu être des amis. Les stagiaires du festival ne lui quittent plus et une simple entrevue avec Kim devient une conversation. Tout de suite, il devient claire comment sa propre spontanéité aide à gagner la confiance des autres : dans sa compagnie, les gens racontent des histoires détaillées. Cela explique également comment un cinéaste vietnamien-canadien a pu faire un film intimiste et croyable sur les enfants-soldats en Afrique.

Son film, tourné sur les rives du Congo à Kinshasa, tergiverse entre le lingala et le français. Des acteurs locaux, non professionnels font des étincelles – la protagoniste de quinze ans Rachel Mwanza a reçu l’Ours d’argent et un des deux prix de Tribeca. La musique emmène le public au Congo d’aujourd’hui, avec un brin de nostalgie aux années soixante-dix. Les images sont pures et une flatterie pour l’œil, même si elles montrent aussi bien la beauté intense de l’amour épanouissant que l’horreur incommensurable dans la vie des enfants-soldats.

Il jongle avec des symboles qui, normalement, ne pourraient pas aller ensemble. Comme la grossesse et les horreurs de la guerre. L’amour épanouissant et l’assassinat de ses propres parents. ‘Dans l’essence, Rebelle est une histoire d’amour en temps de guerre, mais c’est aussi un film coming-of-age dans lequel il s’agit de la transition entre l’être-enfant et la maturité.’

Nguyen a 37 ans, mais, dans son œuvre, il réunit de façon remarquable une attitude garçonnière tout à fait rafraîchissante avec du savoir-faire et du professionnalisme. Ses yeux brillent lorsqu’il énumère les films qui lui ont servi d’inspiration : Fish Tank d’Andrea Arnold et Un Prophète de Jacques Audiard (le régisseur du film De Rouille et d’Os (2012) qui a assuré notre Matthias Schoenaerts d’un ticket à Cannes). Nguyen s’est fait inspirer aussi par les façons peu conventionnelles de travailler dans ces films. Ainsi, il a décidé de filmer Rebelle chronologiquement et sans que les acteurs aient lu le script entier.

‘De cette façon, on peut libérer des émotions fortes. Rien n’est plus difficile que de feindre de la surprise.’ Ces types d’expérimentations ne sont pas toujours accueillis à bras ouverts par l’industrie, mais – pour lui – ils sont nécessaires pour mieux braquer la caméra sur la réalité. ‘Les maisons de production veulent tout fixer d’avance sur le papier. Cependant, si on veut fixer la vie, ça n’ira de toute manière pas comme prévu. Il s’agit de trouver un équilibre entre la réalité et le film.’

Albinos

Un profond engagement social combiné avec une sensibilité remarquable et une subtilité se manifestent dans le travail et la personnalité de Nguyen. Le public attend d’un film comme Rebelle avec des enfants-soldates comme protagonistes une accusation sociale explicite, mais Kim réussit à éviter cela. ‘Je ne voulais pas faire un film didactique sur les enfants-soldats. Je ne veux pas condamner, mais montrer des différentes perspectives.’

Surtout s’il agit de l’Afrique, cela lui paraît très nécessaire. ‘La plupart des histoires africaines apitoient les Nord-Américains’, trouve Kim. ‘En général, un superhéros occidental apparaît pour aider les victimes. J’ai toujours eu le sentiment que nos histoires sur l’Afrique étaient en déséquilibre. C’est pour cette raison que j’ai cherché les vrais héros de ces tragédies.’ Non pas en faisant un zoom sur leur misère, mais en faisant un gros plan sur leur ressort et leur humanité dans leur recherche de solidarité, amour et tranquillité pour vivre une vie à peu près normale.

J’ai toujours eu le sentiment que nos histoires sur l’Afrique étaient en déséquilibre. C’est pour cette raison que j’ai cherché les vrais héros de ces tragédies.
De cette façon il fait aussi le portrait d’un autre groupe de personnes en danger de vie : les albinos africains. Certaines communautés croient qu’ils ont des pouvoirs magiques : leurs membres sont vendus comme gris-gris, comme des talismans. Ce qui se passe avec eux, c’est vraiment horrible.’

Son indignation sur leur destin ne peut difficilement être surestimée. Pourtant, il ne perd pas de vue la subtilité de leur montrer uniquement comme victimes. Ils se trouvent dans l’histoire, mais ils ne sont pas l’histoire. ‘Généralement, ils veulent que tu effaces toutes les choses impertinentes de ton film, mais – selon moi – il faut aussi laisser deux ou trois éléments non pertinents dans ton film. La vie elle-même n’est pas non plus toujours pertinente. Souvent, les moments les plus importants dans la vie sont dramaturgiquement injustifiables.’

L’inconscient collectif

La sensibilité de Nguyen se traduit aussi par d’autres aspects du film. Ainsi, la plupart des cinéastes n’hésiterait pas à montrer explicitement qu’ils ont eu le courage d’aller tourner un film au dangereux Congo. Par contre, dans ce film, il n’y a aucune référence explicite au Congo. Malgré le cadre clairement africain, le public se rend compte quasi-instinctivement qu’il s’agit d’une histoire universelle qui aurait pu être tournée partout.

Il y a dix années, le moment où Kim Nguyen a commencé à travailler à ce film, son inspiration n’était même pas venue de l’Afrique, sinon d’une histoire d’un enfant-soldat birman. Il était enflé de qu’il était Jésus-Christ. Au cours des années, Nguyen a entendu d’autres histoires pareilles ; des histoires qui l’ont entraîné vers l’Angola, Sierra Leone et d’autres pays de l’Afrique subsaharien.

‘Pendant notre recherche d’un endroit de tournage on s’est rendu à des pays comme le Cameroun et le Kenya. Surtout au Kenya il aurait été très facile de tourner. En plus, on aurait pu y faire un safari tous les week-ends,’ ajouta-t-il en souriant. Mais à côté de la rivière Congo il a éprouvé une force d’attraction existentielle indéniable. ‘C’était comme si cette rivière fait, d’une manière ou d’autre, partie de notre inconscient collectif. Je n’ai jamais vécu ce sentiment autre part.’

Après dix années d’écriture et de recherches, l’histoire d’amour universel de Nguyen, inspirée par un enfant-soldat de la Birmanie, colorée par les entrevues avec ses pendants burundais et complétée avec des détails de survivants du génocide rwandais à Montréal, fût tournée sur les rives du Congo.

Écrire, c’est le plus difficile

Rebelle (2012) est le quatrième film de long métrage de Nguyen. Avant, il a écrit et régi également Le Marais (2002), Truffe (2007) et La Cité (2010). Quatre films divergents avec une dose de fantaisie, science-fiction et réalisme magique variable, situés dans des endroits très différents comme Montréal, l’Amérique du Nord et l’Europe orientale. Il a eu l’idée de faire des films pendant ses cours de photographie à l’école. Déjà à ce moment, il écrivait des histoires, et quand il avait vu comment ces photos prenaient forme dans la chambre obscure, il s’est rendu compte du fait qu’un film soit le médium parfait pour raconter des histoires.

Écrire, c’est pour lui le plus difficile. ‘Si tu as du talent et tu te fais entourer par une bonne équipe, faire un bon film n’est pas tellement difficile. Avec l’écriture, c’est tout-à-fait différent,’ dit-il. ‘Tu peux avoir autant de talent que tu veux, mais une bonne écriture est uniquement fruit de beaucoup d’écriture.’

Après la représentation à Turnhout il reçoit des tas de compliments, qu’il accepte gracieusement mais à chaque fois aussi de façon légèrement surprise. Nguyen est un cinéaste extrêmement talentueux avec les deux pieds sur terre, même s’il choie de grands rêves. Il y a quatre années, quelqu’un lui avait demandé où il se voyait en cinq ans. ‘À la recherche de financement pour un nouveau film’, a-t-il répondu alors. Maintenant, il a trois histoires (d’amour) préparées pour nous. Les vents favorables de Berlin et de New York faciliteront sans doute sa recherche. Et à juste titre.

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