Les réfugiés Rwandais vivent dans l’angoisse en Ouganda

En Ouganda vivent environ 200.000 Rwandophones. D’abord, la plupart des réfugiés aboutissent dans 3 camps de réfugiés du Sud du pays. Selon quelques organisations de réfugiés Rwandais, des dizaines d’entre eux arrivent aussi à Kampala. Ils n’ont pour la plupart pas les moyens pour fuir vers l’Europe ou l’Afrique du Sud et espèrent trouver en Ouganda l’argent nécessaire afin de poursuivre leur voyage. Un très petit nombre sera reconnu comme réfugié en Ouganda. « La situation est catastrophique, » nous dit Manzi Mutuyimana, qui a mis en place avec quelques autres réfugiés une petite plate-forme pour aider ses compatriotes en Ouganda.

  • CC Garrett Ziegler Camp de réfugiés, Kisoro, Ouganda. CC Garrett Ziegler

« L’Ouganda est fortement mis sous pression par Kigali pour renvoyer les réfugiés. Et selon le Haut Commissariat aux Réfugiés de l’ONU (UNHCR), ils n’ont pas de raisons de fuir le Rwanda. Ici en Ouganda, les opposants Rwandais sont des hors la loi, des proies pour les services de sécurité de Kagame. Ceux-ci soudoient les autorités locales et sont souvent de mèche avec la police locale. Au cours des derniers mois, des dizaines de réfugiés sont morts. Et personne ne proteste »

Pour parler avec les représentants des organisations de réfugiés Rwandais à Kampala, il faut avoir de bons contacts. Comme beaucoup n’ont pas de papiers en règle, ils travaillent clandestinement et changent continuellement d’adresse. « Dans le sud du pays, il y a toujours eu une population Rwandophone», poursuit Manzi. « Mais au cours des dernières années, des milliers de Rwandais ont fui la répression dans leur pays et pour les plus pauvres, l’Ouganda était le choix le plus facile. »

« Après l’indépendance du Rwanda, au début des années ’60, surtout des Tutsis arrivaient ici. Kagame a été lui-même un tel réfugié. Maintenant nous voyons ici aussi bien des Tutsis que des Hutus. Selon l’UNHCR, il y a environ 16.000 réfugiés Rwandais en Ouganda. Ils résident dans les camps de Nakivale, Oruchinga et Kyaka, dans le sud du pays. Mais des milliers d’autres traversent illégalement la frontière pour se laisser absorber dans la population Ougandaise sans se faire connaître comme réfugiés. »

« Comme il est si difficile à un Rwandais d’être reconnu comme réfugié, ils sont nombreux à se faire passer pour Congolais. Car pour les Congolais, il est beaucoup plus facile d’obtenir ce statut. Les réfugiés reconnus par l’UNHCR, reçoivent un lopin de terre des autorités pour y faire de la culture, démarrer un petit commerce et bâtir une maison. Ils peuvent donc gagner leur vie. »

« Avant 2009, il était encore assez facile d’être reconnu comme réfugié en Ouganda. Maintenant c’est devenu pratiquement impossible : le gouvernement Rwandais met l’UNHCR et le gouvernement Ougandais sous pression pour renvoyer les réfugiés et refuser leur demande. En 2010, un plan de rapatriement forcé a eu lieu, au cours duquel une dizaine de compatriotes ont été exécutés. L’année dernière, le journaliste Rwandais Charles Ingabire a été tué ici. Il avait demandé une protection auprès de l’UNHCR, mais a été jeté à la rue. Quelques mois plus tard, il était assassiné par la DMI Rwandaise (Division Military Intelligence).”

“Nous avons intercepté des courriels de l’Ambassade Rwandaise ici à Kampala, dont il ressort qu’un grand réseau d’espions et d’agents Rwandais est actif en Ouganda, qui doit tenir à l’œil le reste des Rwandais, éventuellement les empoisonner ou les kidnapper. Cela semble assez radical, mais c’est la vérité. »

Julia

Dans un quartier perdu de Kampala, nous parlons avec une dame Rwandaise qui préfère rester anonyme. Son mari a été assassiné et elle doit maintenant s’en tirer avec le soutien qu’elle reçoit d’autres réfugiés. Elle n’a pas d’argent pour envoyer ses enfants à l’école. Nous l’appellerons ‘Julia’.

Son récit est vraiment choquant : « Juste après le génocide, mon mari était membre du FPR de Kagame. Quelques années plus tard, il s’est affilié à l’organisation de Victoire Ingabire, qui est elle-même en prison à Kigali aujourd’hui. Il a eu rapidement des problèmes et a été arrêté. Il est resté emprisonné plus d’une année. »

« Lorsqu’il a été relâché, il a à nouveau pris part aux débats politiques. Des amis nous ont dit qu’ils voulaient le tuer et il a fui en Ouganda. Moi-même je suis restée au Rwanda avec mes enfants. J’ai aussi été arrêtée, violée et libérée deux mois plus tard. Les soldats qui m’ont violée, m’ont raconté qu’ils avaient le sida et ça a été confirmé par la suite. Je suis maintenant séropositive et je n’ai pas les moyens de me soigner. »

« Après ma libération, j’ai aussi fui en Ouganda avec les enfants. J’ai retrouvé mon mari à Kampala où il avait un petit magasin. Quatre mois plus tard, il a disparu. Je croyais qu’il était mort, mais après dix mois il est revenu. Il était très confus et ne voulait d’abord pas me dire où il avait été pendant tous ces mois. Il avait surtout peur et avait des cauchemars chaque nuit. »

« Finalement, j’ai fini par savoir que la DMI l’avait kidnappé et emmené à Kigali dans le coffre d’une voiture. Là il a été présenté à quelques officiers de l’armée Rwandaise qui lui ont donné le choix : ou bien devenir espion de Kagame ou bien une balle dans la tête. Il a bien dû accepter et a été conduit à Gabiro où l’armée entrainait des soldats et des espions. Là on lui a appris comment empoisonner, étrangler, comment recueillir des renseignements sur des compatriotes et les transmettre à ses nouveaux supérieurs. L’entrainement a duré 10 mois et ensuite il a été renvoyé en Ouganda. Il avait survécu, mais avait peur. C’est pourquoi nous avons voulu fuir en Tanzanie. Mais la DMI a été à nouveau la plus rapide et l’a éliminé. Les agents de Kagame ont les coudées libres ici en Ouganda. »

20.000 dollars

Au cours des jours suivants, nous avons encore parlé avec différents autres réfugiés Rwandais qui racontaient des récits semblables. « Moi aussi, ma tête est mise à prix pour 20.000 dollars, » nous dit Manzi. « Ils ont promis cet argent à un ami s’il pouvait m’empoisonner et lui ont donné un acompte de 4.000 dollars. Il n’a pas osé refuser. Mais il m’a tout confessé et a utilisé l’argent pour fuir en Afrique du Sud. Il n’avait pas menti : des courriels interceptés, venant de l’Ambassade Rwandaise, ont effectivement montré que l’attaché militaire avait donné l’ordre de m’éliminer. Malgré cela, l’UNHCR a refusé de me reconnaitre comme réfugié et de me protéger. »

Nous rencontrons aussi quelques représentants du ‘Rwandan National Congres’ (RNC) du général Kayumba qui est aussi actif ici dans la clandestinité. Ils veulent aussi rester anonymes. « Nous nous donnons rendez-vous chaque fois à un autre endroit, nous prenons aussi d’autres routes et sommes toujours en contact téléphonique les uns avec les autres, » nous raconte un des hommes, un ancien officier du FPR.

“Kagame a une partie de la police Ougandaise dans sa poche, il finance ici quelques journaux et aussi un grand parti d’opposition. Mais tous les Ougandais ne sont pas d’accord avec ça : le général Kayumba a aussi de nombreux amis ici et ils nous soutiennent. Lorsque Kagame est venu en visite ici autour de la Noël, la police nous a défendu de manifester. Mais nous l’avons fait quand même et n’avons pas été poursuivis. Les journaux Ougandais n’ont accordé aucune attention à notre manifestation, mais Kagame était si furieux sur ses collaborateurs, qui n’avaient pas pu empêcher ça, qu’il a donné une gifle sonore à l’un d’eux.

“Le Président Museveni est mis sous pression par le gouvernement Rwandais pour nous poursuivre. Les Ougandais ne vont rien faire pour nous protéger contre les agents de Kagame, mais ils ne vont pas non plus les aider. Ici en Ouganda, plus de 3.000 compatriotes ont une carte de membre du RNC. Et au Rwanda même, plus de 1.000 cartes ont déjà été vendues. Notez aussi que nous avons même des adhérents dans le corps des officiers Rwandais. Nous infiltrons journellement le Rwanda et avons partout des yeux et des oreilles. »

« Et ce n’est qu’un début : aujourd’hui les Rwandais ont encore peur de se joindre à nous, mais ça va changer. Pour beaucoup de compatriotes, le général Kayumba est l’unique alternative à Kagame. Mais, avant de pouvoir mener une réelle opposition, nous devons surtout mieux nous organiser. D’abord avant tout à l’extérieur du Rwanda, pour ainsi resserrer d’avantage la corde autour du cou de la clique de Kagame. Après seulement, nous pourrons devenir plus actifs au Rwanda même. »

Sur la terrasse du vieil hôtel Speke, nous tombons encore sur quelques hommes d’affaires Rwandais qui viennent régulièrement à Kampala pour y faire des achats. Je les connais de par le passé. Nous buvons quelques bières et parlons de tout et de rien. Mais lorsque, après une demi-heure, je laisse tomber les noms de Kayumba et Kagame, leurs visages se figent. « Sorry, je ne veux pas en parler », nous dit l’un d’eux. « Nous ne nous occupons pas de politique », dit l’autre. « Mais les tensions augmentent en effet et nous avons tous peur de l’avenir. Mais restons-en là. »

Critique

Les coups du sort des réfugiés Rwandais et les activités des opposants Rwandais à Kampala sont très délicats (à évoquer). Les diplomates et journalistes étrangers ne vont pas en parler en public. Mais en coulisses, ils nous confirment quand même que la situation est tout simplement très critique. L’UNHCR ne réagit pas non plus à nos questions.

“Museveni est pris entre deux feux,” nous dit un diplomate Européen. « D’une part, il doit faire face à une détérioration de l’économie Ougandaise et à une corruption croissante. De nouveaux champs de pétrole ont été découverts dans l’est du pays et le président veut aussi se poser en futur leader de l’organisation des pays de l’Afrique de l’Est. Mais Paul Kagame a travaillé pour lui comme chef des services de renseignements et connait l’Ouganda aussi bien que lui. Il soudoie ici des officiers supérieurs et des politiciens et peut provoquer de nombreux problèmes dans le sud du pays. Museveni le sait et doit donc jouer le jeu. Mais il se méfie de Kagame comme pas un. C’est pourquoi il laisse la porte entr’ouverte à des gens comme le général Kayumba et Patrick Karegeya. En eux, il a plus de confiance. »

Un journaliste Ougandais que nous avons rencontré pendant notre séjour à Kampala, fait le résumé suivant : « La nouvelle guerre civile Rwandaise a déjà vraiment commencé en coulisses. On assassine, viole à nouveau. La dictature de Habyarimana a été remplacée par celle de Kagame. L’espoir que nous avons eu tous après le génocide, a dû rapidement faire place à de nouvelles terreurs et angoisses. La structure de pouvoir autour de Kagame risque d’imploser et de mettre toute la région à feu et à sang. »

L’auteur publie cet article sous un pseudonyme pour ne pas mettre en danger sa famille et ses amis au Rwanda.

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