Ministre de la Coopération au développement, Paul Magnette: « Si on n’essaie pas, on ne réussira certainement pas. »

Paul Magnette, le ministre belge de la Coopération au développement, vise haut : il veut que notre pays mène une politique du développement cohérente. Cela signifie concrètement que Magnette deviendra une sorte de « belle-mère » et cela au nom du Sud : la politique des autres ministres doit tenir compte des besoins du développement.

Le ministre de la Coopération au développement Paul Magnette (PS) fit savoir lors de sa prise de fonction qu’il voulait d’abord reconnaître le terrain avant de faire des déclarations. Cette étude lui a amené quelques convictions qui donneront elles aussi forme à sa politique. L’œuvre de l’économiste américain Joseph Stiglitz a montré qu’il régnait ‘un aveuglement idéologique au sein du FMI ( Fonds monétaire International ) et de la Banque Mondiale’. Au cours de la fête néolibérale , il n’y avait plus de place pour des visions diversifiées.

C’est une des raisons pour lesquelles Magnette s’est rendu au sommet quadriennal de l’ UNCTAD à Doha. Cette conférence de l’ONU pour le commerce et le développement proposait, même pendant les décennies néolibérales, un autre son de cloche et prédisait plus ou moins la crise financière. Magnette : ‘J’en tire la leçon qu’on ne peut ignorer la politique internationale économique et financière si l’on est engagé dans la coopération au développement.’

Le livre The bottom billion du professeur d’économie à Oxford Paul Collier a montré à Magnette que nous vivons dans un monde en évolution où plusieurs pays en voie de développement réussissent à augmenter leur prospérité. « Ces pays en croissance peuvent compter sur des investissements privés. Il vaut donc mieux diriger notre aide au développement vers les pays les moins développés et les états fragiles. C’est eux qui sont pris aux pièges de la pauvreté, comme le démontre Collier, et ils ne peuvent y échapper avec ce que le marché leur propose. C’est là que l’aide au développement est irremplaçable et peut effectivement faire la différence. »

Magnette veut concentrer plus qu’avant notre aide vers ces pays. La cohérence – la cohésion – de la politique au développement est la notion-clé dans la vision politique de Magnette. En d’autres termes cela n’a pas de sens de donner d’un côté une aide financière à un pays si de l’autre côté – dans d’autres domaines – on contrecarre les possibilités de développement de ce pays. Les subsides à l’exportation au moyen desquels nous vendons sur les marchés des pays en voie de développement nos produits agricoles en-dessous du prix de revient, en est l’exemple classique. De cette façon nous sabotons nos efforts pour développer une agriculture durable dans ces pays.

La cohérence dans le développement signifie en fait que tous les ministres doivent tenir compte dans leur politique d’objectifs de développement. Le ministre de la Coopération au développement devient en quelque sorte « une belle-mère » des autres ministres : il insiste pour que les autres ministres spécialistes regardent plus loin que la Belgique ou l’Europe et tiennent compte des besoins des pays en voie de développent. Quand on sait à quel point les ministres tiennent à leurs prérogatives, cela peut devenir un agenda particulièrement ambitieux.

C’est précisément de la cohérence dont les prédécesseurs libéraux de Magnette ne voulaient pas. Armand De Decker ( MR) a fait travailler un fonctionnaire pendant six mois sur projet politique politique sur la cohérence, mais l’a par après enfoui dans un tiroir pour ne plus jamais en faire état.

Son successeur, Charles Michel (MR), lui aussi, a refusé ce thème. C’est ce que MO* a appris de source sûre.

Magnette fait de la cohérence son fer de lance. ‘Je ne veux pas entamer une polémique avec mes prédécesseurs. Je veux tout simplement que notre politique ne donne pas lieu à des effets pervers alors qu’ailleurs nous essayons de réaliser de bonnes choses.

Si la spéculation internationale et la fraude fiscale ont un impact négatif sur le développement dans le Sud, alors nous devons y faire quelque chose en nous attaquant aux paradis fiscaux par exemple. De même pour les combustibles biomasse : cela n’a aucun sens de produire du courant à partir de l’huile de palme, s’il faut au préalable abattre toute une forêt vierge pour aménager une plantation de palmiers.’

La cohérence c’est beau, mais difficile. Si vous voulez vous en prendre aux paradis fiscaux et à la spéculation financière, il vaut mieux agir par le truchement des institutions financières internationales, à savoir le FMI. Mais cela constitue depuis soixante ans le domaine réservé du ministère des Finances. Comment pensez-vous y pénétrer ? Y aura-t-il une loi sur la cohérence comme en Suède ?

Paul Magnette: Oui, il y aura une loi. Je veux organiser une conférence interministérielle sur la politique de cohérence où tous les ministres concernés se concertent sur les sujets communs et concluent des accords.

A côté il y aura une conférence interdépartementale pour les différentes administrations qui doivent mettre en pratique les décisions de la conférence interministérielle. Il faut également créer un organe consultatif de la coordination au développent où sont représentées toutes les parties prenantes – ce sont surtout les ONG – qui peuvent alors examiner notre politique.

Mais concrètement ? Vous êtes allé au sommet UNCTAD au Qatar pour montrer à quel point vous appréciez que l’UNCTAD depuis des années critique l’ordre mondial néolibéral. Comment allez-vous faire partager cette vision à Willy Kiekens qui siège pour la Belgique au FMI, institution qui a aider à instaurer cet ordre néolibéral.

Paul Magnette: Tout d’abord il faut qu’il y ait plus de cohérence dans la politique mondiale. J’ai aussi des idées à ce sujet. D’autre part, je pense qu’un dialogue entre différentes visions est nécessaire. Si ce dialogue manque, on commet des fautes. Et des fautes ont été commises. Ceci étant, je pense que le FMI a changé sous Dominique Strauss-Kahn.

DSK est parti.

Paul Magnette: Je ne pense pas que le nouveau directeur du FMI, Christine Lagarde, abandonne cette ligne. Dès son entrée en fonction elle démontrait qu’il était contreproductif d’économiser tous ensemble au sein de l’Union Européenne. Mais oui, je pense que je peux influencer nos représentants dans ces institutions. Il faut coordonner. Je n’ai pas dit que c’est facile, mais si l’on n’essaie pas, cela ne réussira certainement pas.

Les intérêts des Finances, du Commerce Extérieur et du Développement coïncident rarement. Il faut donc faire des choix, peser le pour et le contre. il est important d’indiquer clairement pourquoi certains choix. Je crois qu’il y a des possibilités. Exemple, la taxe sur les transactions financières : au début, le ministère de Finances y était opposées, aujourd’hui ils l’a reprise.

Vous visez Didier Reynders qui ,en tant que ministre des Finances, a longtemps et de toutes ses forces contrecarré cette taxe .

Paul Magnette: Alors qu’aujourd’hui il défend partout cette taxe, parce que son ami Sarkozy le fait et que c’est donc à la mode. Cela montre bien comment le parlement et la société civile peuvent changer des choses. En réalité je veux que la Belgique se joigne aux pays scandinaves dans sa politique du développement. Quels ministres des pays riches étaient présents au sommet de l’UNCTAD ? Principalement les ministres scandinaves. Une politique cohérente du développement est une façon de récolter du respect dans le Sud.

Vous êtes opposé aux paradis fiscaux. Mais la Société belge d’Investissement pour les pays en développement ( BIO ) s’en est servi. Alors quoi de la BIO ?

Paul Magnette: Je pense que les problèmes ont été gonflés au-delà de la réalité. On fait semblant qu’on s’est servi de l’état pour construire des ‘centres fitness’ dans le Sud. Mais un seul mauvais projet ne signifie pas que tout est mauvais. Les dépenses BIO ont augmenté rapidement. La croissance rapide et l’exigence que les moyens investis rapportent au moins quatre pour cent par an , ont fait que tous les projets n’étaient peut-être pas en accord avec les objectifs du développement. Il était devenu plus intéressant de financer la culture des asperges au Pérou pour le marché mondial que de permettre aux petits agriculteurs du Burundi d’accéder plus facilement à un crédit.

On nous signale qu’il n’y a plus que des personnes du secteur bancaire à travailler au sein de la BIO.

Paul Magnette: C’est exact. Mais c’était la conséquence de la croissance rapide et des exigences de rentabilité. Si nous rectifions cela, une nouvelle dynamique peut naître et le personnel se diversifier. C’est une chose que la direction de la BIO doit faire elle-même.

Vous semblez penser que la cohérence ne vaut que dans le domaine de la politique extérieure. Mais la plupart du temps le domaine est plus étendu. Le ‘Centre for Global Development’ établit depuis des années le ‘Commitment to Development Index’, l’index de cohérence le plus réputé. Dans cet index la Belgique figure depuis toujours en queue de la liste, parce que nous exportons trop d’armes vers les pays pauvres sous gouvernement autoritaire. Et parce que nous accordons des subsides élevés à l’agriculture et que notre façon de traiter l’immigration est mauvaise. Ce qui est considéré en général comme positif c’est notre aide au développement et notre politique de l’environnement.

Paul Magnette: Le choix de ces thèmes est pertinent. Pour établir une cohérence dans ces thèmes, un engagement politique au plus haut niveau est nécessaire. Voilà ma plus grande ambition. Cela doit se faire par le truchement de la conférence interministérielle. En son sein les ministres du gouvernement fédéral et les ministres des régions se rencontrent pour accorder leurs violons et mettre sur pied un mécanisme durable et à long terme. D’ailleurs, nous ne commençons pas à partir de zéro. Il existe un test EIDDD. ( Evaluation des Incidences des Décisions sur le Développement durable ). Ce test examine l’effet de toute mesure politique belge sur le développement durable.

Ce test a été introduit en 2007. Depuis on n’en a plus beaucoup entendu parler

Paul Magnette: C’est parce qu’il s’agit surtout de matières régionalisées et que les régions n’ont jamais appliqué ce test. La Wallonie va s’y mettre.

Au moyen du test EIDDD ?

Paul Magnette: Nous établissons nos critères propres. N’oubliez pas qu’en Wallonie il y a une coalition ‘olivier’. Je pense que nous allons dépasser la Flandre en ce qui concerne le développement durable. Nos objectifs pour ce qui est de l’énergie renouvelable sont plus ambitieux. Pour l’aménagement du territoire aussi les accents sont différents. L’aéroport de Charleroi ne peut allonger ses pistes d’atterrissage. Nous avons supprimé certaines routes et nous ne voulons pas une suburbanisation comme en Flandre : nous voulons maintenir nos villes autant que possible dans l’agglomération aménagée existante. Nous avons encore de l’espace – c’est la raison pour laquelle des milliers de Flamands viennent habiter en Wallonie – et nous ne voulons pas perdre cet atout.

Pour vous aussi le fédéralisme est libérateur ?

Paul Magnette: Absolument. Même si je dois dire que je ne suis pas partisan d’une régionalisation plus poussée de la coopération au développement.

Un autre accent dans votre politique est le choix des pays les moins développés et les plus fragiles. Vous affirmez qu’il faut plus d’état dans ces pays et des institutions plus fortes… Nos expériences dans un pays comme le Congo montrent que c’est difficile, à plus forte raison si nos ministres ne sont pas tous sur la même ligne d’ondes. Choisissez-vous la ligne dure ’ De Gucht ‘ou la ligne douce ‘Vanackere’ ?

Paul Magnette: Je pense que le paternalisme, faire la leçon à ces pays, n’a pas beaucoup de sens. Un dialogue critique me semble d’autre part sensé. Il faut y travailler avec tous les ministres ensemble. Je me suis mis d’accord avec le ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, pour qu’il se rende le premier au Congo. Là il a adopté une attitude critique, qui était un compromis entre la ligne ‘De Gucht’ et la ligne ‘Vanackere’. J’hésite à le dire, mais je pense que j’aurais fait la même chose. Enfin, je pense que l’opposition droite-gauche joue moins aux Affaires étrangères qu’aux Finances. Il faut surtout veiller à coordonner.

Est-il question d’une ligne wallonne douce et d’une ligne flamande plus dure pour le Congo ?

Paul Magnette: Je pense que non. Je m’oppose à l’idée que la Flandre est plus sévère, plus éthique que la Belgique francophone. Kris Peeters, le ministre-président de la Flandre, s’est rendu au Tibet sans dire un mot à propos de l’oppression chinoise.

Vous tenez à l’engagement belge de consacrer 0,7 pour cent de notre revenu à l’aide au développement. Est-ce encore crédible, à cause de la crise et du vieillissement de la population ? en 2011 vous avez diminué progressivement de 0,1 pour cent jusqu’à 0,53 pour cent.

Paul Magnette: C’est parce qu’il n’y avait pas de grandes remises de dette et parce que tous les départements devaient économiser par les plus grandes mesures d’économie imposées depuis la seconde guerre mondiale.

Mais que représentent ces 0,7 pour cent si l’on ne fixe pas de date précise ?

Paul Magnette: Je ne peux prévoir de date parce que je ne sais quelle sera la croissance économique.

Pourtant Guy Verhofstadt l’a fait : en 2002 il a promis les 0,7 pour cent pour 2010.

Paul Magnette: Sans doute, mais Verhofstadt a plus d’une fois formulé des objectifs qui ne furent jamais atteints – rappelez-vous les 200.000 emplois. Je préfère ne pas faire cela.

 

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