Mieux vaut trop tôt que trop tard...

Le site Citroën à Bruxelles devient un temple culturel et doit être «un lieu de rencontre pour tous les Bruxellois». On parle des investissements des millions et il y a même un accord avec le Centre Pompidou à Paris. Mais un tel projet, sans implication des organisations, des citoyens et des riverains? Est-ce encore de nos temps? Bie Vancraeynest pose la question à voix haute.

  • © Brecht Goris © Brecht Goris

35.000 mètres carrés d’art. L’équivalent de sept terrains de foot. Et ça, le long du canal, sur le carrefour où je passe tous les jours et que je connais par coeur. A l’endroit où, depuis le 6ème étage d’un bureau temporaire, j’ai une vue imprenable sur le bas de Molenbeek. C’est là que va s’implanter un nouveau pôle culturel, dans le bâtiment où, pour l’instant, des voitures Citroën sont réparées et vendues. C’est en tout cas le bruit qui court par-ci par-là, même si on entend encore très peu de choses sur le contenu du projet, et ce n’est pas faute d’ouvrir grand mes oreilles.

L’art (plastique) occupe une place de plus en plus grande dans ma vie.
‘Tu regardes,
tu ne comprends jamais complètement
et tu te dis : c’est comme ça.’0

C’est Bernard Dewulf qui a écrit cela à propos du travail de Raoul De Keyser, résumant brillamment, du même coup, en quoi ces trois étapes font de la contemplation de l’art une forme d’hygiène mentale. Voilà pourquoi, il y a quelques mois, dans Bruzz, j’ai lu avec une attention toute particulière l’interview du coordinateur artistique du projet Citroën.

Sur la photo, je ne l’ai d’abord presque pas reconnu: Yves Goldstein, décontracté avec sa chemise de bûcheron. L’ex-chef de Cabinet du Ministre-Président Rudy Vervoort paraît beaucoup plus sympathique maintenant qu’il ressemble davantage aux gens que je rencontre aux bars des institutions culturelles.

Cela doit vraiment devenir un lieu de rencontre pour tous les Bruxellois.’ Voilà qui me semble déjà un bon début. Je me passe volontiers de la dimension communautaire de ce dossier. La Région peut-elle s’occuper de Culture ? Personnellement, cette question ne m’intéresse pas.

Pour le nouveau musée, “nous” allons collaborer avec le Centre Pompidou de Paris. Allez, dis ! C’est pas des cacahuetes ! Mettons cartes sur table: en tant qu’amatrice d’art et de la Ville Lumière, j’y vais de temps en temps au Centre Pompidou. On peut d’ailleurs, pour l’instant, y voir une exposition de david Hockney qui a fait des peintures qui me donnent envie de plonger dedans.

Pompidou est-il le bon partenaire pour le site Citroën ? Ca, je n’en sais trop rien. Par contre, que nous allons payer un montant annuel à Pompidou, qui se trouve dans une situation financière difficile, pour exposer une partie de ses collections et bénéficier de son savoir-faire, me semble un businessmodel intéressant. Pour Pompidou.
A l’heure actuelle, les travaux vont nous couter 160.000.000 euros. Côté recettes, les choses sont moins claires pour l’instant, mais Goldstein s’est donné pour mission de faire matcher les comptes. Une bonne idee, c’est plus difficile à trouver que des sous. Je me retrouve bien dans cette mentalité. Pour tous mes amis qui travaillent dans le secteur culturel et de la jeunesse, c’est la routine.

Je suis surtout curieuse de connaître sa vision des jeunes qui habitent le quartier. ils sont nombreux. Vraiment nombreux. ‘Je n’ai pas de recette miracle mais nous essayerons d’y impliquer tous les jeunes Bruxellois. En laissant une place au spectacle de rue ou au breakdance, par exemple (…) Pour Beaucoup de jeunes, la culture est une barrière et, peut-être suis-je naïf, mais je pense qu’un premier contact avec l’art peut signifier beaucoup’.

Je partage avec Yves Goldstein cette croyance dans le pouvoir de l’art et de la culture. Et je n’ai pas non plus de solution miracle à proposer. Par contre, j’ai un carnet d’adresses qui contient les coordonnées de plein de gens que je vois accomplir de petits et grands miracles sur une base régulière. Pas besoin de réinventer l’eau chaude: dans certains cas, il n’est pas nécessaire d’aller voir à l’étranger, tout est déjà là.A Bruxelles, des tas de gens travaillent sur ces questions. Et, quelque part dans leur coin, ils sont en train de faire des choses incroyables.

Je sais qu’il vaut mieux être à l’heure, voire même un peu trop tôt.

Avec tout l’amour que j’ai pour le breakdance et dont j’ai déjà largement témoigné, je me dis quand même : “Pfff”. 160 millions d’euros, vraiment ?! (sans compter le budget de fonctionnement !) Dans ce quartier Nord si densément peuplé ? Je pense qu’on ne peu pas etre assez ambitieux. On peut faire mieux qu’un spectacle de rue, quand même, non ?

Pour être honnête, je dois avouer que je n’ai pas encore eu de contact avec les gens qui travaillent sur ce dossier. Je n’en ai pas été évincée non plus à ce stade, donc je ne suis pas vexée pour autant. Mais après presque deux décennies passées dans cette ville, je sais qu’il vaut mieux s’y prendre trop tôt, plutôt que de prendre le risque qu’il soit trop tard.

‘Attends un peu d’en savoir plus avant de faire quoi que ce soit’, me dit-on souvent.

Je sais qu’il vaut mieux être à l’heure, voire même un peu trop tôt. Car une fois qu’un projet est mis en branle, même si la finalité de son infrastructure (et donc de l’argent) n’a pas été clairement définie, il n’est déjà presque plus possible d’intervenir. A moins de mettre un pied dans la porte comme un témoin de Jéhovah.

Je me réjouis pour chaque denier public consacré à l’art et à la culture. Je crois profondément à l’impact que cela peut avoir sur un individu, un quartier ou une communauté. Parfois, on dirait que les gens dont c’est le métier n’y croient pas eux-mêmes. Moi, je suis convaincue que presque tout le monde peut apprécier une expérience esthétique, et plus que ça, que chacun y a droit.

Bruxelles est une ville qui néglige spirituellement et intellectuellement une partie de sa population. Et c’est pareil sur le plan culturel. La culture n’est pas une barrière pour les jeunes. La vision univoque de la culture et l’entretien intentionnel de son caractère élitiste: là, sont les barrières. Souvent, ce n’est pas le contenu qui pose problème mais bien tous les obstacles à franchir pour y accéder.

Il est désormais révolu le temps où l’on pouvait faire de tels investissements dans Bruxelles sans impliquer les organisations et les riverains, ou prendre en compte les initiatives citoyennes.

Il y a probablement beaucoup à apprendre de Pompidou Paris - que j’ai moi-même toujours considéré comme une institution ouverte et réellement accessible - mais le savoir-faire nécessaire pour faire venir les jeunes à Citroën, lui, il se trouve dans les têtes, les coeurs et les mains de ceux qui, tous les jours, travaillent de manière créative avec ces publics-là. Si ce lieu doit devenir celui de tous les Bruxellois, alors il faut qu’ils puissent avoir leur part du gâteau et leur mot à dire.

Avec le projet “Move It Kanal”, Lasso travaille d’arrache-pied pour enquêter sur les pratiques culturelles des jeunes dans la zone du canal. Ils interrogent les habitants, les travailleurs de rue et les acteurs culturels dans un large périmètre autour du site de Citroën. Cette enquête vaut de l’or. Il y a aussi une grande expertise chez Allee Du Kaai, D’broej, JES, Bronks, Circus Zonder handen, Citylab, Beursschouwburg, Ras El Hanout, de Vaartkapoen, Foyer, Culturghem, maison des cultures, supervlieg supermouche, et j’en passe.

Il y a dans cette ville quantité de jeunes qui ont soif de culture. Par exemple Chiraz qui me raconte ce qu’elle ferait si elle avait son mot à dire. Elle commencerait par s’engager elle-même : ‘J’habite le quartier et j’adore l’art’. Elle travaille bénévolement pour le Kunstenfestivaldesarts et travaille à sa propre pratique artistique naissante chez Transfo Collect. Elle a grandi à Sainctelette. ‘Je ferais du porte-à-porte avec les oeuvres. Sur toutes les brocantes de Bruxelles, je prendrais un emplacement pour y présenter un mini-musée. Et j’organiserais plein d’événements et de fêtes…’ Et suivent encore 6 autres idées.

Le site Citroën, c’est l’occasion pour les jeunes d’inventer un nouveau petit morceau de Bruxelles. Il est désormais révolu le temps où l’on pouvait faire de tels investissements dans Bruxelles sans impliquer les organisations et les riverains, ou prendre en compte les initiatives citoyennes.
Et ça, Goldstein and co le savent probablement très bien.

Mais un rappel, c’est peut-etre pas mal.

(Traduction Noemie vande haezevelde, BKO/RAB)

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Over de auteur

  • Coördinator van Vzw Toestand

    Bie Vancraeynest is coördinator van Vzw Toestand, een organisatie die leegstaande of vergeten gebouwen reactiveert tot tijdelijke en autonome socioculturele centra.

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