Déplacé dans le désert scolaire du Nord de l’Irak.

Nord de l’Irak : « L’absence d’enseignement est la porte ouverte à l’extrémisme »

Plus l’on approche de Hamam al-Alil, une ville à 27 kilomètres de Mossoul, plus le paysage montre son corps déchiré, qui a subi la guerre. Le long de la route en ruine en direction du camp de réfugiés, l’horizon laisse la place à des carcasses de voiture roussies et des armatures de béton détruites.

Nous sommes en octobre 2019. Il y a presque trois ans, le 7 novembre 2016, le groupe terroriste État islamique a été chassé d’ici.

Le prix qu’ont payé les Irakiens, dans les jours précédents, était extrêmement élevé. La guerre de libération impliquait aussi des centaines de civils exécutés de sang-froid par Daech. Les femmes et les enfants étaient utilisés comme des boucliers humains et entraînés dans des bombardements aériens mortels.

L’extrême destruction de vies humaines, d’histoires de famille et du patrimoine des villages et hameaux est encore bien tangible trois ans plus tard.

Cela fait des années que 2,5 millions d’enfants, dont 775 000 sont des réfugiés internes, sont privés d’enseignement dans tout l’Irak.

Le camp de réfugiés Hamam al-Alil 2 ne fait pas exception. Celui qui arrive dans ce camp peut en outre s’attendre à en garder des séquelles. Un certain nombre de familles qui séjournaient ici – 3633 lors de notre visite au camp en octobre 2019 —  sont d’avance suspectées de liens avec l’ État islamique, ou du moins de les soutenir.

La conséquence de cette stigmatisation collective, même pour les habitants victimes de Daech se trouvant de l’autre côté, est un camp totalement négligé. Des montagnes d’ordures puantes, un bébé si frêle que l’on dépose devant nous dans un panier en plastique, des enfants en haillons, un bol d’eau apporté pour y boire ensemble, des nuées de mouches et des morsures de puces qui démangent, des demandes d’aide murmurées sont autant d’images qui restent en tête après l’avoir visité.

La chute de l’enseignement irakien

L’école semble être la dernière chose à laquelle pensent les familles à qui nous parlons. Le souci principal est la survie au jour le jour. « Une partie des habitants du camp est tellement pauvre qu’ils doivent même revendre leurs colis de nourriture », déclare un travailleur humanitaire.

Et pourtant. L’absence de scolarité n’aide pas à avancer une société qui a entre-temps connu quarante ans de guerres et de conflits. Cela fait des années que 2,5 millions d’enfants, dont 775 000 sont des réfugiés internes, sont privés d’enseignement dans tout l’Irak

Le retour est pour beaucoup d’entre eux encore impossible, car il n’est pas encore question de reconstruire leurs maisons et quartiers détruits.

L’Irak ne semble pas vouloir continuer à investir dans ses réfugiés internes. Le gouvernement préfère voir les camps disparaître et voir rentrer les réfugiés. Dans la Région autonome kurde, le ministre kurde de la Migration et du Déplacement a annoncé mettre un terme à l’aide aux écoles de réfugiés.

« Avec de telles mesures, vous sortez les enfants de l’école, mais pas des camps », réagit Tom Peyre-Costa, porte-parole de l’organisation humanitaire Norwegian Refugee Council (NRC) du Nord de l’Irak. L’Irak a consacré 5,7 pourcents de ses dépenses nationales à l’enseignement en 2016, année pour laquelle on dispose des derniers chiffres. « Depuis 2014, l’Irak n’investit plus dans de nouveaux enseignants », déclare M. Peyre-Costa. « Avec pour conséquence un déficit en enseignants de 32 pourcents.»

Tout cela fait que l’Irak, classée parmi les meilleurs élèves en matière d’enseignement dans le monde arabe dans les années septante et quatre-vingts, a d’extrêmement mauvais résultats. Le recteur Kossay Al-Ahmady de la prestigieuse université de Mossoul explique : « La reconstruction n’est pas seulement un choix matériel, c’est aussi un processus mental »

Une occupation

« Sans enseignement, vous créez ici une nouvelle version de l’ État islamique. » Le regard fixe d’ Ibrahim Hamed Khidir se pose sur les enfants qui, séparés par un mur de protection, assistent à la scène, curieux. Quand le directeur de l’école a quitté le camp et est retourné à Moussoul, il s’est battu pour construire une école dans le camp.

Unicef a fourni le bâtiment et les contrats annuels pour les enseignants, le gouvernement irakien a rémunéré les enseignants et l’école a commencé à officier en 2018. « Nous avons inscrit 2291 enfants. Nous avions quatre directeurs d’école et dix enseignants, l’école était trop petite », déclare M. Khidir.

En l’espace d’un an Ibrahim Hamed Khidir a observé un changement chez les enfants. Les si nombreux doigts d’enfants qui formaient si facilement des armes dans leurs jeux quotidiens, se sont effacés, au profit des jeux de balles.

Ce n’était évidemment pas idéal, dit M. Khidir. Limités par le temps, le personnel enseignant et l’espace disponible, les élèves recevaient des cours dans des blocs horaires variables de seulement deux heures par jour. Dans d’autres camps aussi, entre autres dans la région kurde, les enfants recevaient des leçons de façon alternée.

« Ce n’est évidemment pas grand-chose », reconnaît le directeur de l’école. « Mais nos élèves avaient une occupation, et connaissaient autre chose que le camp et la guerre, avaient de nouvelles impressions et la conscience d’un avenir. »

Enseignants attendus

« La dernière chose que le gouvernement souhaite est d’investir dans ces personnes. Elles doivent partir. »

M. Khidir parle au passé. Cette année, l’école est restée fermée. La raison ? Un déficit en personnel rémunéré. Les organisations humanitaires ont décidé d’arrêter de soutenir financièrement le personnel enseignant  cette année scolaire, pour inciter le gouvernement irakien à entamer des démarches.

« Le ministère irakien de l’Enseignement m’a promis par téléphone que des enseignants allaient arriver. Deux mille quatre cents cinquante-cinq élèves sont inscrits cette année, et cela fait maintenant presque deux mois que nous attendons de commencer. »

Mais en réalité, aucun enseignant ne vient. La ligne avec le gouvernement est mise en pause, et est peut-être complètement fermée.

C’est aussi grandement lié aux profils dans le camp, avance Ahmed Jalal Izzat  du Norwegian Refugee Council. « La dernière chose que le gouvernement souhaite est d’investir dans ces personnes. Elles doivent partir. »

En juillet de cette année, l’école du camp Hamam al-Alil 1, entre-temps fermé, était encore aux mains des forces de l’ordre irakiennes. Le service de renseignements de l’armée irakienne, la sûreté de l’ État irakien, la police locale et les milices travaillent ensemble à vérifier si les habitants du camp, dont les enfants, n’ont pas de lien avec IS. Le stigmate était marqué au fer rouge, et le camp 1 a soudainement, deux semaines avant notre visite, été fermé.

« La population était obligée de retourner dans une maison en ruines, sans services de base, sans aucune perspective de revenu », dénonce Jalal Izzat. « Certaines familles ont aussi été relogées à Mossoul. Mais là non plus, les écoles ne sont plus reconstruites et il y a également une grande pénurie  d’enseignants. »

Ne pas investir dans la population et l’école ouvre la voie à la criminalité, explique le recteur Al-Ahmady. Son université à Mossoul forme une lueur d’espoir bienvenue. Deux ans après la réouverture, encore 20 pourcent des 133 bâtiments universitaires détruits devaient être reconstruits.

« Les défis sont encore grands », affirme le directeur d’école. « Mais il faut regarder les progrès accomplis comme une échelle de corde sur laquelle nous souhaitons que tout le monde monte : difficilement, mais il y aura bien une ascension. »

Traduit du néerlandais par Geneviève Debroux

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