Au Venezuela, la population n’a plus rien à perdre

Ces trois dernières semaines, les Vénézuéliens défilent sans cesse dans la rue, toujours plus nombreux, pour protester contre le régime du président Nicolas Maduro. Les forces de l’ordre réservent aux manifestants un accueil pour le moins musclé. Quatre images poignantes des manifestations ont fait le tour des réseaux sociaux. Elles illustrent parfaitement l’état d’esprit d’une large part de la population vénézuélienne : elle n’a désormais plus rien à perdre. 

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Depuis la dissolution (temporaire) du parlement ordonnée le 31 mars par la Cour suprême, l’opposition appelle la population à agir et à descendre manifester dans la rue. Le Venezuela n’avait aps connu d’actions de protestation de cette ampleur depuis 2014, année où les étudiants manifestèrent contre Maduro.

Trois ans plus tard, le panorama n’a plus rien à voir. Le Venezuela est confronté au taux d’inflation le plus élevé au monde tandis que la crise économique perpétuelle et le manque de ressources de base, de denrées alimentaires et de médicaments ont fait de la vie une survie. ‘Les Vénézuéliens ne vivent plus’, témoigne une femme, mère de deux enfants, qui vit à San Cristobal.

Les habitants ne vivent plus, ils survivent

Depuis quelques années déjà, Caracas figure parmi les villes les plus dangereuses au monde. Mais ces dernières semaines ont transformé les rues du Venezuela en une véritable zone de guerre.

L’étudiant en économie Carlos José Moreno Baron (17 ans) et la jeune femme Paola Andreína Ramírez Gómez (23 ans) ont perdu la vie lors des manifestations. La marche a également fait une autre victime en la personne d’un agent de police de la Guarda Nacional, une composante de l’armée. Ces morts portent à 29 le bilan total des victimes tombées depuis le début de la vague de manifestations de ce mois d’avril. Des associations de défense des droits de l’homme déclarent que plus de mille manifestants ont été arrêtés en l’espace d’un mois. Chaque jour s’organisent des actions et des manifestations exprimant le profond mécontentement populaire et réclamant l’organisation d’élections. La semaine dernière, l’opposition a convoqué la “mère de toutes les manifestations”. Des dizaines de milliers de Vénézuéliens s’y sont ralliés. Les forces de l’ordre ont réprimé avec force les manifestants. À l’annonce de la marche, Maduro avait appelé à ce que chaque membre de la milice civile reçoive une arme. Une vidéo de Maduro brandissant une mitrailleuse et jouant à la guerre circule sur les réseaux sociaux.

Erika Guevera-Rosas, la directrice pour les Amériques d’Amnesty International, a déclaré : ‘Descendre dans la rue durant les protestations du Venezuela ne devrait pas être signifier la peine de mort.’

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Et pourtant, les manifestants, les journalistes et les photographes courent un grand danger dans les rues du pays. Ce qui n’empêche pas les réseaux sociaux de s’être convertis en fil d’actualité des Vénézuéliens. Les vidéos et les photos, souvent capturées avec un smartphone, diffusent dans le monde la réalité des faits au Venezuela. En groupe, des photographes professionnels bravent également les forces de l’ordre pour braquer leurs appareils sur les faits de violence. Trois images des actions en rue, qui ont d’abord fait le tour du monde sur les médias en ligne, sont devenues des icônes de la manifestation pacifique au Venezuela. Les voici.

La femme au tank, 2017

Le 5 juin 1986, un homme bloque le passage d’une colonne de tanks durant les manifestations de la place Tian’anmen. L’homme passera à la postérité comme (l’inconnu) Tank Man, un symbole de la manifestation pacifique.

Le 19 avril 2017, une femme portant une casquette aux couleurs du Venezuela et le drapeau national s’oppose à un véhicule blindé à Caracas. Le tank, appelé rinoceronte (rhinocéros) au Venezuela, tente de continuer sa trajectoire en poussant doucement la femme. Celle-ci ne bouge pas, pas même quand les passagers du tank lui lancent des bombes lacrymogènes. Face à elle, le tank recule.

Inquiets, des Vénézuéliens s’interrogent sur le sort de la femme de la vidéo. Les dernières images montrent les forces de l’ordre qui l’enlèvent à moto.

Les internautes la surnomment “Liberté”, “Défenseuse du Peuple” ou “Madame Tien’anmen”.

Tous à l’eau contre le gaz

Une autre série de photos et de vidéos montrent des manifestants vénézuéliens se précipiter dans la rivière Guaire pour échapper aux bombes de gaz lacrymogène.

Le site d’informations Efecto Cocuyo relate comment les manifestants de tous âges, y compris des enfants et des personnes âgées, se sont rués dans les eaux tandis que les services de maintien de l’ordre continuaient à tirer.

Plus tard, des Vénézuéliens ont averti sur les réseaux sociaux qu’il ne fallait pas se jeter à la rivière : la forte pollution de ses eaux peut transmettre des maladies impossibles à traiter dans le contexte de pénurie de médicaments.

L’homme nu à la Bible

Le jeudi suivant la “mère de toutes les manifestations”, les manifestants ont à nouveau pris les rues d’assaut. L’image du jour montre un jeune homme nu, les mains en l’air. Assis par terre, il brandit une Bible et se rend aux forces de l’ordre. Peu après, on le voit grimper sur un tank. Son corps nu est parsemé d’impact de balles en caoutchouc. Hans Wuerich, l’homme en question, a par la suite déclaré à des journalistes qu’il ne souffrait pas de ses blessures, mais de la famine qui touche les Vénézuéliens.

À la fin de la vidéo, l’homme prononce ces mots : ‘Ne lance plus de bombes, mon frère.’

Sœur Esperanza

Après la violence des jours précédents, l’opposition a organisé samedi la marche du silence. Le jour même, les internautes relayaient déjà l’image d’une nonne traversant la rue où des agents de l’ordre venaient de lancer des bombes de gaz lacrymogène.

Sur les réseaux sociaux, les Vénézuéliens, dont le membre de l’opposition et candidat à la présidence Henrique Capriles, saluent son courage. La Guarda Nacional Bolivariana a depuis réutilisé l’image comme un “appel à la paix”. Certains citoyens y voient une manipulation et critiquent l’hypocrisie du geste.

 

Tension palpable entre protestation et dialogue

Depuis des mois, les commentateurs de l’actualité au Venezuela prévoient que la situation ne peut durer plus longtemps et s’interrogent sur combien de temps encore Maduro pourra se maintenir au pouvoir. Après la dernière vague de manifestations et au vu de l’incroyable pénurie de denrées alimentaires, il semble sûr d’affirmer que les protestations et la violence politique persisteront.

Ces imagines symboliques témoignent de la différence entre la vague de protestations actuelle et celle de 2014. La femme au tank, les Vénézuéliens sautant dans une rivière polluée et l’homme nu à la Bible n’ont plus rien à perdre et sont prêts à tout.

Dans une entrevue accordée à CNN, Hans Wuerich raconte que c’est la faim qui pousse tant de Vénézuéliens à manifester avec tant de rage et de rancœur dans la rue.

L’opposition se redresse à nouveau, elle qui était affaiblie à la suite des négociations infructueuses menées en décembre avec le gouvernement. Jusqu’à présent, elle a su faire bon usage du climat actuel et lancer des actions intelligentes pour motiver les Vénézuéliens affamés à poursuivre les manifestations.

Après la “mère de toutes les manifestations” de la semaine dernière, la marche du silence de samedi a rendu hommage aux victimes des protestations. Lundi, les Vénézuéliens se sont réunis pour un plantón, pour bloquer les routes principales du pays. Mercredi, une réunion populaire a été organisée pour dresser le bilan des manifestations et débattre des violations des droits de l’homme. Les manifestants ont également tenté se rendre chez le Défenseur du peuple, dont le siège se trouve dans le centre de Caracas.

Dimanche passé, lors de son émission télévisée hebdomadaire, Maduro a parlé de dialogue et d’élections aux niveaux régional et communal. Il semble peu probable que le président satisfasse la revendication de l’opposition d’organiser des élections présidentielles.

Entre-temps, la tension entre protestation et dialogue reste palpable.

Traduction : Marie Gomrée

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