La Belgique pourra-t-elle faire la différence pendant son mois de présidence du Conseil de sécurité de l'ONU ?

Chère présidente, veuillez vous lever pour le peuple du Congo au Conseil de sécurité de l'ONU !

J‘ai passé toute la nuit assis à regarder devant moi, les yeux ternes. Dois-je écrire encore un blog à ce sujet ? Est-ce que ça aurait vraiment un sens ? N’est-ce pas une perte de temps ? Après tout, le monde n’a-t-il pas décidé depuis longtemps de tourner le dos à l’Est du Congo pour de bon ?

Pourtant, pendant un moment, j’ai osé croire qu’un tournant était enfin imminent. La VRT avait envoyé le journaliste Stijn Vercruysse à Beni pour faire un reportage sur les massacres ! Je n’ai pas hésité à accepter sa proposition de travailler ensemble pour porter à la connaissance de l’opinion publique belge l’un des crimes contre l’humanité les plus inimaginables. Cela m’a donné le sentiment d’avoir pu faire au moins quelque chose de concret, en espérant avoir touché un décideur quelque part qui serait capable de faire la différence. Quelqu’un qui peut encore être touché et révolté par la mort d’innocents, par l’incapacité d’un gouvernement à protéger sa population, par la lâcheté d’une communauté internationale qui n’a fait que se gratter la gorge, alors que les ressources naturelles des régions dépeuplées enrichissent des pillards sans scrupules. Et amènent les armes.

Alors que les images de Terzake résonnaient encore sur les réseaux sociaux, j’entendais déjà les tueurs de Beni aiguiser leurs machettes haut et fort. L’accalmie des trois premières semaines de l’année s’est avérée être le silence avant la tempête. Le jour même du premier anniversaire de la cérémonie d’assermentation de Tshisekedi, la première attaque a déjà eu lieu. Depuis lors, elles se sont succédées sans relâche, chaque jour.

Des bribes d’information

Les atrocités ont coûté la vie à 62 civils en 48 heures

Hier, je n’ai pas pu garder mon attention au travail. Des hauts fonctionnaires sont venus évaluer notre travail. Tout au long de la journée, ils nous ont tenus occupés avec des méthodologies épuisantes et des critiques voilées alors que j’étais constamment distrait par les messages qui arrivaient par internet les uns après les autres, sur ce qui se passait au même moment à quelques dizaines de kilomètres au nord à vol d’oiseau.

Des morceaux du puzzle nous parvenaient pour finalement constituer des atrocités qui ont coûté la vie à 62 civils en à peine 48 heures, et peut-être même plus parce qu’il est peu probable que tous les corps aient déjà été retrouvés.

Dans la nuit du mardi au mercredi 29 janvier, entre 20 heures et 5 heures 30, des hommes se sont rendus de porte en porte dans trois villages différents à l’ouest d’Oïcha pour tuer, par balle ou à la machette, tous ceux qui se trouvaient dans leur champ de vision. Dans le même temps, ils ont pillé des chèvres, des poulets et tout ce qui avait de la valeur. Jusqu’à présent, 38 corps ont été sauvés, 6 autres ont survécu à l’attaque malgré leurs blessures.

De froides statistiques

Le lendemain matin, un autre groupe est apparu entre 6h30 et 7h20 dans un village situé à 3 km à l’est d’Eringeti. Là, ils ont attaqué un camp de l’armée gouvernementale, mais les militaires ont pu repousser l’attaque. Pendant leur fuite, les assaillants ont croisé le chemin du pasteur local qui se rendait à son champ avec sa femme et ils l’ont abattu de sang froid. Sa femme a pu s’échapper. Un peu plus loin, ils ont tué deux autres paysannes dans leur champ. Leurs corps n’ont été retrouvés qu’un jour plus tard.

Le jeudi 30 janvier au matin, trois paysans ont été tués, à 8 km à l’est d’Oïcha, alors qu’ils se rendaient à leur presse artisanale de noix de palme où ils allaient extraire de l’huile pour la cuisson.

Ce même jeudi, vers 1 heure de l’après-midi, le village de Mantumbi, à 18 km de Mbau, a subi une attaque. Jusqu’à présent, 11 corps y ont été retrouvés.  Et un douzième non loin de là. 

À 3 heures de l’après-midi, ils ont envahi Mamove, tuant trois femmes, deux hommes et un enfant, et incendiant trois maisons. 

Habituation

La société civile de Beni tient des statistiques sur les meurtres. Ils ont calculé que 320 civils ont déjà été massacrés depuis le début de l’offensive contre les assaillants, le 30 octobre 2019. C’est une moyenne de plus de 100 par mois, soit plus de trois par jour. Je ne sais pas si cela signifie quelque chose pour un lecteur en Europe. Vivre dans un endroit où, chaque jour, trois personnes en moyenne meurent aux mains d’un ennemi inconnu, indéfini, indéfinissable, aux intentions floues, conduit à une psychose de peur généralisée. Et c’est cela probablement l’intention des assaillants.

Contrairement à la colère populaire débridée qui a éclaté après les massacres de novembre et qui s’est retournée contre les casques bleus de la MONUSCO, Beni reste maintenant étonnamment calme. Il semble que l’accoutumance ait fait son œuvre. Le seuil de la résignation semble s’être à nouveau abaissé.

N’y a-t-il vraiment rien ni personne qui puisse arrêter cette tragédie ? Je sais que nous ne pouvons pas attendre de réponse du gouvernement congolais dans sa configuration actuelle. Lorsque je contacte l’ambassade de Belgique, tout ce que je reçois, c’est une réponse distante qui me dit que toute information utile que je peux fournir est la bienvenue. Lorsque je pose des questions à notre ministère des affaires étrangères, j’obtiens le silence comme réponse. Lorsque je cherche des réponses dans les médias, mon menton tombe sur mon clavier en lisant des articles sur les sorties diplomatiques belges, où pas un mot n’est dit sur les atrocités à Beni : redynamiser les relations bilatérales, relancer la coopération, échanger des expériences, renforcer les liens, blablabla, alors qu’en même temps, pendant qu’ils parlent, des hommes, des femmes et des enfants sont assassinés un à un par le gang de Beni. Même si je suis un citoyen bien branché, je n’arrive pas à obtenir de réponses aux nombreuses questions. Alors imaginez que vous ayez quitté votre maison et vos champs à cause des attaques répétées contre la communauté de votre village et que vous essayez maintenant de survivre en ville sans aucune sorte de revenu ou de soutien ?

Appel à l’aide internationale

La société civile réclame un changement de stratégie de l’armée. Au moyen de cartes, ils montrent que l’armée donne en fait carte blanche aux prétendus rebelles de l’ADF pour attaquer les civils en dehors de la zone de guerre. Les forces armées congolaises FARDC n’ont saisi que 30 % du territoire de l’ADF. Cela montre que les tueurs n’ont pas été coupés de leur base, ils peuvent ainsi continuer à attaquer de nouvelles zones au nord-ouest. Une stratégie plus audacieuse est nécessaire, en lançant des offensives sur tous les fronts en même temps. Mais d’abord, tous les anciens officiers du CNDP ou du M23 doivent être retirés de la structure de commandement des FARDC, car ils sont soupçonnés de complicité avec le Rwanda, qui a été leur seigneur de guerre pendant des années.

Il est évident que le Congo seul ne pourra pas résoudre ce problème. Combien de morts faudra-t-il encore avant que la communauté internationale n’assume sa responsabilité ? Cela ressemble de plus en plus à un cas évident de refus d’assistance aux personnes en danger.

Le président Tshisekedi lui-même, dans son discours aux diplomates accrédités à l’occasion de l’échange des vœux du Nouvel An, a explicitement appelé à une plus grande implication de la communauté internationale dans la lutte contre le terrorisme au Congo. Que ce soit clair pour ceux qui agitent constamment le drapeau de l’ingérence étrangère au Congo : il s’agit d’une requête explicite du Président lui-même. Cependant, celle-ci n’est pas très concrète, et d’autres politiciens tentent de la rendre plus explicite.

Les élus du Grand Nord du Nord-Kivu se sont adressés à l’ambassadeur américain Mike Hammer avec un programme en trois points : 1) que peuvent faire les Etats-Unis pour mettre fin aux tueries une fois pour toutes ? 2) une aide d’urgence est nécessaire pour les milliers de personnes déplacées qui ne sont pas dans des camps mais qui se retrouvent avec des parents et des amis qui sont eux-mêmes déjà très appauvris par l’insécurité. 3) une aide au développement pour reconstruire la zone touchée après que les bandes de tueurs auront été neutralisées.

Valentin Mubake, avec quelques collègues de l’opposition, a demandé au président français Macron de convoquer une conférence internationale pour ramener la paix au Congo avec les pays voisins. Selon lui, ce sont les Anglo-Saxons qui profitent du pillage des matières premières, et c’est pourquoi la France doit maintenant faire la différence.

Jouer à des jeux ou ordonner des actions ?

Ferdinand Kambere, de l’alliance gouvernementale FCC, partenaire de la coalition UDPS du président Tshisekedi, a réagi avec force en affirmant que c’est la MONUSCO qui doit résoudre ce problème. C’est pour cela qu’ils sont payés. Il a également insisté pour aborder la question des “Congolais qui ne veulent pas que les choses aillent bien à Beni”. En disant cela, il montre qu’il a clairement déjà oublié que son idole politique, l’ancien président Joseph Kabila, veut que la MONUSCO se retire le plus vite possible et que la justice et la sécurité sont décidemment de la responsabilité du gouvernement, dans lequel sa famille politique pèse le plus lourd.

Pendant ce temps, à Kinshasa, Tshisekedi est empêtré dans des jeux politiques sans fin avec ses partenaires de coalition peu fiables, qui risquent de conduire à une autre crise grave dans les jours à venir. Cela ne fera que faire le jeu des assassins qui auront encore plus les mains libres.

Avant tout, une enquête internationale indépendante doit être menée pour établir qui est réellement responsable des atrocités commises dans l’est du Congo

À partir d’aujourd’hui, la Belgique préside le Conseil de sécurité des Nations unies pendant un mois. Notre pays va-t-il saisir cette excellente opportunité pour prendre ses responsabilités et tester si ce monde a une conscience ? Dans le communiqué de presse officiel, les trois accents que notre pays veut mettre sur l’agenda international sont mentionnés : les enfants dans les conflits armés, la justice transitionnelle et la coopération européenne au sein du CSNU pour plus de paix dans le monde. Ces trois points peuvent tous s’appliquer pleinement au Congo. Mais cela ne sera efficace que si, avant tout, une enquête internationale indépendante est menée pour établir qui est réellement responsable des atrocités commises dans l’est du Congo. Sans cette enquête, il n’y aura pas de justice. Si celle-ci ne peut être décidée sous la présidence belge, je crains que cela n’arrivera jamais et l’Est du Congo s’enfoncera de plus en plus dans un profond marécage d’inhumanité, abandonné par le monde. Et nous, les Belges, nous continuerons tout calmement à jouer nos propres petits jeux politiques chez nous.

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