Le changement climatique est vraiment un défi pour le monde entier, surtout pour le Sud.

« C’est absolument insuffisant. On comprend trop peu l’urgence de l’action climatique pour nous »

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Ce sommet pour le climat, surnommé « COP bleue », était fortement placé sous le signe des océans. Les îles de l’infini océan Pacifique, au territoire en majeure partie océanique, étaient un peu symbolique de cette question épineuse. Il est pour eux crucial que le réchauffement se limite à 1,5 degré.

« Tout ce qui les dépasse représente une menace existentielle pour ces îles et leur population à cause de l’augmentation du niveau de la mer », explique Carl-Friedrich Schleussner de l’institut scientifique berlinois Climate Analytics. « Ces températures font disparaître le corail tropical, principal écosystème de ces océans. Les zones de pêches ne feront alors que se déplacer ; processus qui est déjà en cours et qui impacte alors fortement le revenu de la population  de certains des archipels. »

Les îles pacifiques affirmaient leur présence dans le hall 8 de la COP, non seulement par le contenu des mesures, mais aussi par la musique et la danse. Ils aiment mettre en avant que leur culture et leur identité valent la peine d’être sauvées. Ils appartiennent aux peuples qui n’ont émis presque aucun gaz à effet de serre, mais qui, à cause du changement climatique causé par les autres nations, menacent littéralement d’être chassés de leur pays.

Les insulaires ne s’avouent pas vaincus et se battent pour survivre. Ils ont rendu des plans pour atteindre la neutralité climatique d’ici 2050 et sont très actifs dans les énergies renouvelables. « Mais il ne faut pas se tromper : la réduction des émissions des grands États est cruciale », souligne Cameron Divers, directeur- général adjoint de la Communauté du Pacifique. « Nous essayons de diminuer notre dépendance à la pêche en cultivant davantage d’algues, afin de réduire les besoins en poissons et l’importation de nourriture. Nous travaillons à une racine de taro capable de résister à la salinisation croissante. Et nous fixons les limites de notre territoire marin afin de pouvoir en garantir l’intégrité. Mais je le répète : ce sont les autres États qui doivent fournir le plus grand effort en réduisant leurs émissions. »

« Non, ce n’est pas assez. Vraiment pas assez. On comprend trop peu l’urgence de la situation pour nous. »

Lorsque j’ai demandé à Taneti Maamau,  président de Kiribati, s’il était satisfait du sommet climatique en cours, ses yeux trahissaient sa déception. « Non, ce n’est pas assez. Vraiment pas assez. On comprend trop peu l’urgence de la situation pour nous. »

La problématique soulève de fortes questions de justice. Elles figurent dans le rapport de Philip Alston, rapporteur spécial des Nations unies pour les droits de l’homme et la pauvreté extrême, qui insiste que les dix pourcents les plus riches du monde sont responsables de cinquante pourcents des émissions, alors que les cinquante pourcents des plus pauvres sont seulement responsables de dix pourcents des émissions. M. Alston ose même parler d’ « apartheid climatique ».

Évacuer les pays à basse altitude d’Asie du Sud

Le Bangladesh avait aussi un pavillon actif à la COP. Le pays compte 163 millions d’habitants vivant sur une surface de même pas cinq fois la Belgique. Ces pays à basse altitude sont donc encore plus densément peuplés que les pays à basse altitude de la mer du Nord. Les océans et les cyclones y font déjà leur œuvre. Habibun Nahar, parlementaire de la ville méridionale et portuaire de Mongla, nous raconte la manière dont les fondations qui étaient situées sur les berges ont disparu. La population est alors partie vers la ville. Le Bangladesh souhaite mieux recenser ces dégâts, parce que la population part de la région en silence et ne s’inscrit pas en tant que réfugiés climatiques.

Lors d’une session pendant le sommet climatique, le British Council a mené une étude évaluant à 35 millions le nombre de réfugiés climatiques d’ici 2050. « Nous constatons que les zones côtières sont déjà moins densément peuplées par rapport au précédent recensement de la population », déclare Abdul Quader, professeur de géologie à l’université Jagannath. Ce n’est évidemment pas une preuve d’un enjeu climatique, mais il y a des indicateurs allant dans ce sens. »

Habibun Nahar : « Venez voir notre région en janvier et en mars, pendant la saison sèche, et vous pourrez alors voir où se trouvent les anciennes habitations entre-temps englouties par l’eau. Si la population perd ses terres, elle part vers la ville. »

M. Nahar raconte que les habitants de sa région n’ont pas vraiment une idée claire de ce qu’il se passe. « Ce ne sont pas des intellectuels, mais ils sentent qu’il y a plus de catastrophes, et que le climat ne fait que se réchauffer. Il en devient trop chaud pour nos villages agricoles. » Avec son mari, elle a aussi transformé de nombreuses écoles primaires en abris anticycloniques. « Cela a sauvé de nombreuses vies. Les personnes ne veulent pas mourir, hein, dit-elle avec un regard insistant.

L’Inde peut-elle sauver le monde avec une politique de développement écologique ?

Il y a en outre deux géants, l’Inde et la Chine, qui comptent chacun 1,4 milliard d’habitants. Les Indiens n’émettent toujours qu’un quart des émissions du Belge moyen, mais comme l’Inde est tellement peuplée, c’est déjà le quatrième plus grand poste d’émissions après la Chine, les États-Unis et l’Union européenne. En outre, le pays se développe vite, et la population va encore augmenter pour atteindre 1,6 milliard.

Mais l’Inde subit aussi les conséquences du réchauffement climatique, raconte Sanjay Vashist, directeur de la branche sud-asiatique de l’organisation coupole Climate Action Network : « Nous avons été touchés par un nombre extrêmement élevé de cyclones, d’inondations, de sécheresses. L’imprévisibilité des modèles météorologiques traditionnels a provoqué une diminution du rendement agricole de 7 à 10 pourcents.

L’Inde fixait dans sa Contribution déterminée nationalement (CDN), dans le cadre de l’Accord de Paris, une diminution de l’intensité énergétique de 32 à 35 pourcents – il n’était donc à aucun moment question d’un pic d’émissions. Les sources d’énergie renouvelable doivent représenter quarante pourcents de l’approvisionnement énergétique d’ici 2030. L’inde doit aménager des bois d’ici 2030, capables de stocker 2,5 à 3,5 milliards de tonnes de carbone. Srinivas Krishnaswamy de la Vadsudha Foundation pense que l’Inde va atteindre les deux premiers objectifs de manière prématurée. « L’intensité énergétique a déjà diminué de 21 pourcents. Je m’attends à ce que l’Inde atteigne 175 gigawatts d’énergie éolienne et solaire d’ici l’année prochaine. »

D’immenses défis attendent cependant le pays. La CDN statue ainsi également une augmentation du transport de marchandises par voie, de 33 à 45 pourcents d’ici 2030. Cela signifie un investissement de 600 milliards de dollars dans de nouveaux couloirs ferroviaires entre les cinq grandes villes et du nouveau matériel prêt à rouler.  

« Les mesures actuellement prises par l’Inde sont vraiment insuffisantes. Il est crucial pour le monde entier que l’Inde ne commette pas les mêmes fautes dans son développement, qui s’est accompagné d’une pollution massive, que l’Occident et la Chine», déclare Sean Kidney, CEO de Climate Bonds, investisseur dans le secteur non marchand. « Le panel climatique prévoit qu’à l’avenir, une mousson sur cinq qui approvisionne l’Inde en pluie, ne va pas se produire, ce qui peut menacer la vie de centaines de milliers de personnes. L’Inde peut faire d’une pierre deux coups : apprendre à collecter de l’eau pour ces mauvaises années de mousson, et utiliser cette eau collectée comme générateur électrique en la pompant d’un bassin inférieur à un bassin supérieur. M. Kidney souhaite retirer de l’argent de la réalisation des obligations climatiques à travers le monde afin d’accélérer la transition de l’Inde, dont dépendra en partie la réussite de la lutte contre le réchauffement climatique.

Aucune chance sans la Chine

Le rôle de la Chine, qui représente plus d’un quart des émissions, est encore plus important. Ce seul nombre fait déjà du pays un acteur de pouvoir mondial, car si la Chine ne bouge pas, on peut oublier l’idée d’une lutte efficace contre le réchauffement climatique. Le pays a fait des pas de géant dans la mise au point d’énergie renouvelable – ce n’est pas seulement le plus grand producteur d’énergie solaire et éolienne, mais aussi le plus grand producteur d’éoliennes et de panneaux solaires. La Chine a pour ainsi dire approvisionné le monde entier de panneaux solaires bon marché.

On a cependant entendu que la Chine a construit cette année de très nombreuses centrales à charbon. « Le lobby du charbon est puissant en Chine, il est incarné par de grandes entreprises publiques », déclare Xiaojun Wang de People of Asia for Climate Solutions, originaire de la province de Shanxi, où l’extraction de charbon est très active. « Les régions minières sont également à vrai dire accros au charbon, même s’il pollue énormément et qu’il ne donne pour ainsi dire aucune perspective d’avenir.

« Un tiers des investissements en énergie dans ces nouvelles Routes de la soie se compose de centrales à charbon. »

Une autre question importante est la mesure dans laquelle l’Initiative Route et Ceinture, l’immense programme d’investissement de la Chine en Eurasie et en Afrique est écologique. Bai Yunwen de l’ONG Greenovation explique : “La position de la Chine est à vrai dire commerciale : elle réalise ce que les gouvernements locaux demandent ou ce qui est le plus lucratif. Le lobby du charbon y joue également un rôle : les entreprises charbonnières accompagnent le président Xi Jinping au Pakistan, où elles essaient de vendre quelques centrales. Avec pour conséquence qu’un tiers des investissements en énergie dans ces nouvelles Routes de la soie se compose de centrales à charbon. Nous essayons surtout de motiver les gouvernements locaux à ne plus demander des centrales à charbon. »

Lors de l’Accord de Paris, la Chine a promis que ses émissions atteindraient un pic en 2030. Il semble qu’il aura lieu plus tôt que prévu. La question est de savoir si elle s’engagera au sommet climatique de Glasgow, comme les ambitions doivent être revues à la hausse si nous souhaitons un jour réaliser les objectifs de Paris. La validation du Green New Deal européen qui souhaite diminuer les émissions de cinquante pourcent à l’horizon 2030, est à cet effet très important. Il permettrait à l’Union européenne d’entraîner la Chine – par exemple dans la négociation stratégique entre la Chine et l’Union européenne en septembre de l’année prochaine. L’Union européenne et la Chine pourraient déjà se trouver dans de bonnes conditions avant le sommet climatique.

Traduit du néerlandais par Geneviève Debroux

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