Onzekere bestemmingen

Op een murwgeplensde zaterdagochtend in november trokken fotografe Rosalie Colfs en MO*wereldblogger Alexandre Popowycz met de trein van Kinshasa naar Matadi, de stad waar Johan Verminnens jukebox altijd heimwee zal naar hebben.

Het was 2014 en de laatste maand in België voor mijn vertrek naar RD Congo.

Ik liep over de zo goed als in onbruik geraakte spoorweg van Eeklo, die je een beetje als de coulisse van deze stad kan beschouwen (ze is over de hele lengte van de stad aanwezig, maar steeds onzichtbaar), wanneer ik voor het eerst over Rosalie hoorde spreken.

Toen ik vernam dat zij ervan droomde een fotoreportage te maken over de Congolese spoorwegen, wist ik meteen waar – eens geland in Kinshasa – mijn eerste gesprek met haar over zou gaan: zowel onderwerp als medium leken me ideaal om er mijn pen bij te beproeven.

Het doel is een expo te maken in een treinwagon die op en neer reist tussen Kinshasa en Matadi.

Een jaar na mijn evenwichtsoefeningen op de Eeklose rails was het zover. Om 7u ’s ochtends bestegen we de wagon in Kinshasa Gare Est. Doch, door de hevige regenval van die nacht bleek de ijzerweg een weinig ‘geënsableerd’, wat ons in staat stelde om tot 13u met volle teugen te genieten van het gevarieerde stationslandschap. Veel van wat daarna gebeurde, valt moeilijker in proza te vatten, maar de cyclus Destins altérés schept in het slechtste geval misschien geen duidelijkheid, maar herschept – in het beste – mogelijk wel wat van de schoonheid.

Wat Rosalie en ik willen doen met onze foto’s en teksten is toch enigszins spectaculair. Het doel is om in eerste instantie een expo te maken… in een treinwagon die op en neer reist tussen Kin en Matadi. Nadien volgt een rondreis rond de filialen van het Institut Français in de regio (Centraal Afrika, de Grote Meren).

Blogcollega Ivan Godfroid heeft er eerder al een warme en persoonlijke tekst aan gewijd, maar wat extra reclame kan geen kwaad. Dus. Op de website Kisskissbankbank zijn we druk aan het crowdfunden geslagen, vooral om Rosalies foto’s gedrukt te krijgen op o.m. aluminium. Verdere details, zoals welke verrassingen we voor onze actieve sympathisanten in petto houden, ontdekt u ook op deze site. Veel lees- en kijkplezier!

 

Destins altérés

J’aime l’homme incertain de ses fins comme l’est, en avril, l’arbre fruitier.
R. Char

Without the railroad, the Congo is not worth a penny.
H. M. Stanley

 

Gare, regard

Avec le monde autour de la voie faiblement faussée,

 

« mener quelque part » - ne serait que le vent en guise de parole

tenue deux trois fois par jour.

 

On est bien nombreux ici, et c’est l’attente.

 

Et le dessous de l’air s’écrase…

Facile à dire : attente, – mais chaque fois c’est aussi la dérobade.

 

 

Voie

L’œil par lassitude dément le trucage : il n’y a ni vies ni voies parallèles,

y a la lumière, et elle éclate sur la vie qui s’enrage, somnole, voyage, ou reste.

 

Te trouvant assis à faible vitesse filant les landes de raides promesses,

tu te souviens d’un jeu de jeunesse, cruel, sans nom et sans âge :

 

on sort une faux par la vitre, pour raser l’innocent paysage, avec habitants,

sans pourtant jamais toucher fer ou pierre. Une invention, ordinairement la nôtre,

 

qui retrousse les doubles voiles du passage : appropriation et lâcher prise -

voir comme tes yeux, dans la baie, ne se lassent de l’endurante clarté, de la leçon…

 

 

On (en) est où, exactement?

On n’aura quand-même pas raté 

les parrains délicatement éduqués

de ces contrées rebaptisées et morcelées

par l’araignée pour mieux régner

ou pirouetter enfin je veux dire

de ces anges champêtres l’ingénuité ?

 

 

Ensablement : c.-à-d., veuillez patienter 5 heures

Le prix du départ.

Discutons ? –

 

Un ciel blanc lance des cils

chauds dans la paume de saphir.

 

Élevons éclaircissons forçons : la pluie.

 

Par-ci. La pluie par-là.

 

L’immobilité. Se faire percuter par les dieux

 

Par-ci. Par-là.

 

avec le blanc de leurs yeux.

 

Un ciel blanc,

d’un gris asperge

 

parle

de toutes parts.

 

 

La seringue de Rochereau

Dans le wagon-salon, un ordi soufflait le Bel Abidjan de Rochereau Tabu Ley, mais, par après, ayant repéré cette chanson, je ne ressentis plus son picotement. Les notes roucoulantes, dans le train, m’avaient agacé, m’avaient irrité à tel point que je m’étais levé pour aller demander aux voyageurs-syndicalistes qu’était-ce que cet air merveilleux sifflé par l’ordi. Cette musique : orifice - renfermé dans un sac plastique - d’une divinité aux racines prolétaires. Là, les gammes s’exécutaient encore au littoral amniotique de la découverte.

 

 

Chemins de croyance

Champs. Ils y poussent des manivelles de l’imagination –

deux longs cous bruns, animés par le vent, candides bras d’enfants.

 

Qui d’autre saura soupeser l’étendu paysage ? Avec tous ses fauves cachés ?

 

Par des océans de lames tu vas te faire affamer

le long de quatorze gares – stations, au final.

 

T’es à une fête qui jamais ne pèse rien, avec un moins toujours différé.

 

 

Qu’œufs de nos pairs

De gauche, de droite,

les espaces s’entretiennent au-dessus de nous, partout, et nous nient et nous lient.

 

Comme nous sommes pauvres de ne pas savoir

nous comporter vis-à-vis des paysages, de ce qu’on clairement se crie. Chez nous,

c’est toujours glisser dans le silence, pousser d’une peur à l’autre.

 

Ne pas parler des nœuds paternels des barbes belges. Ne pas chuchoter les chemins visqueux de nos pères.

 

Dans le train, j’ai appris une nouvelle expression, en stoemelings[1].

 

Et surtout, ne pas couper de queues.

 

 

Évidence

Quelquefois, le train pour Matadi ne semble pas être le train pour Matadi. Alors, le train pour Matadi porte ses véritables désirs vers Manzanillo, et (qui le dira ?) Moscou. Soudain, les visages, gâtés par un caramel de midi, ont l’air de soupçonner un destin communément altéré.

 

 

« A » , lettre indélébile

les rangées rêvent de Silésie

 

rêves en voie de guérison

 

 

Tempête au paradis

Tubes de temps qui fendent un horizon obèse, -

l’horizon s’identifie avec nos rêves.

 

On n’a pas raté, quand-même ? Monsieur, on est où ?

On avance en reculant, Madame, vers l’arrivée.

 

Mais ne vous en faites pas, je suis là pour garder

les yeux sur l’origine fixes. Entretemps, le bar et

 

les toilettes resteront éternellement ouverts.

L’obscurité se chauffera à notre épée filante.

 

Une montagne de joie planera derrière vos yeux.

Votre tête contre le monde sera doucement adossée.

 

 

 

[1] bruxellois: ‘en catimini’

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