‘Nous n’accepterons jamais d'être Marocains’

Les jeunes Sahraouis attendent la guerre

Depuis 22 ans, les Sahraouis attendent un référendum concernant leur indépendance. Jusqu’à présent ils attendaient pacifiquement, mais leur patience a des limites. Lennart Hofman est allé, pour MO*, à Laâyoune, la capitale du Sahara occidental.

Hamza Al Filali, un militant sahraoui de 25 ans, est en colère : ‘Le gouvernement marocain nous propose soit de continuer pacifiquement et nous faire tabasser chaque jour soit faire souffrir les Marocains comme ils nous font souffrir. ‘Lui-même, que choisit-il ? ‘Je partage l’opinion les jeunes. J’attends la guerre.’

Beaucoup de jeunes Sahraouis sont frustrés, pauvres et sans perspectives. Un mélange très explosif. En avril dernier, le Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon, a averti que si le conflit n’était pas résolu rapidement au Sahara occidental, la violence du Mali atteindrait la jeunesse du Sahara.

Peu de temps après cet avertissement les Etats-Unis ont apporté une proposition de résolution pour prolonger le maintien de la paix MINURSO des Nations Unies avec un mandat humanitaire. MINURSO supervise depuis 1991 le cessez-le-feu entre le Maroc et le Front Polisario sahraoui. La proposition n’a pas été acceptée, mais elle a démontré les inquiétudes de certains des acteurs majeurs de la communauté internationale : le Maroc doit se dépêcher d’apporter une solution avant que le problème au Sahara occidental ne connaisse une escalade.

Bombe à retardement

Le conflit du Sahara occidental est un conflit oublié. Les Sahraouis, qui luttent depuis 1970 pour un Etat indépendant, sont opposés aux autorités marocaines, qui considèrent la région comme leur territoire et qui l’occupent depuis 1975.

En 1991, l’ONU a mis fin à une guerre sanglante entre le Front Polisario sahraoui et le Maroc, et il a été convenu qu’il y aurait un référendum dans lequel les Sahraouis pourraient décider eux-mêmes de leur l’indépendance. Les Sahraouis attendent toujours (voir le cadre). En Algérie, certains d’entre eux vivent dans des conditions déplorables dans les campements, et certains sont établis dans la zone qui est occupée par le Maroc. Un mur de 1500 kilomètres, gardé par 150.000 soldats marocains, les sépare.

Des membres armés du Front Polisario laissent régulièrement entendre chez leurs dirigeants qu’ils en ont assez d’attendre et qu’ils sont prêts à prendre les armes. En même temps, des Sahraouis reconnaissent eux-mêmes que les jeunes des camps aident les militants musulmans et des trafiquants de drogue dans la région. Ils s’inquiètent ouvertement du fait que les jeunes Sahraouis se radicalisent.

De l’autre côté du mur, la bataille s’est secrètement développée au cours des dernières années. En 2005, une nouvelle rébellion a été proclamée: la Seconde Intifada sahraouie. Il y eut des manifestations, d’innombrables comités d’action ont vu le jour, et en octobre 2010, un immense campement a été créé : Gdeim Izek. Gdeim Izek a été dispersé avec violence par la police marocaine, il y eut des morts des deux côtés. Ainsi on a attiré de nouveau l’attention sur ce conflit. Les organisations internationales ont exprimé leurs préoccupations concernant le démantèlement violent du campement et plusieurs rapports ont été publiés critiquant la situation des droits humains. Néanmoins, de plus en plus de Sahraouis perdent confiance dans la communauté internationale et dansla résistance pacifique utilisée jusqu’à présent.

L’activiste Aminatou Haidar (47), nominée pour le Prix Nobel de la Paix de 2012 et elle-même torturée pendant des années dans une prison secrète marocaine, se préoccupe particulièrement des jeunes.

‘Comment peut-on encourager les jeunes à continuer d’être pacifiques dans une société pleine de policiers et de militaires ? Ils sont présents dans les écoles, dans les rues, les arrêtent ou les rouent de coups. Tout comme cela arrive aussi à leurs parents. Nous ne pouvons pas attendre un référendum si la situation perdure.’

‘Nous avons, en tant que militants, une double mission’, continue-t- elle résignée. ‘Nous nous battons contre l’occupation et contre la violence dans nos propres rangs. Mais nos options sont limitées. Bien que nous appelions à la résistance pacifique, notre organisation est interdite parce que nous nous occupons de politique. Si nous parlons aux jeunes, nous pouvons même les mettre en danger.’

‘Je leur explique qu’ils doivent continuer pacifiquement et qu’ils doivent être patients, comme le sont aussi les autres. Ils doivent retenir les expériences de Gandhi, Martin Luther King et Nelson Mandela. Ils doivent être les symboles de cette génération. Mais généralement, ils n’écoutent pas. Ils voient les révoltes des autres parties du monde à la télévision, sur internet, et cela les encourage. Ils sont fatigués d’attendre et veulent la guerre’.

‘Il faut être une victime’

Dans un salon de Laayoune, cinq membres du groupe de médias interdit ‘Equipe Media Sahara’ s’occupent intensivement de télécharger la manifestation dispersée avec violence. L’utilisation de la force est dans toutes les bouches des jeunes militants. ‘Ce qui est pris par la force, il faut le reprendre par la force’, dit Sabbar Bani (37). Chaque jour, nous sommes marginalisés et discriminés. Ils attaquent nos maisons, battent nos femmes et nous arrêtent. La seule solution, c’est la lutte armée. Les jeunes sont d’accord.

Cependant, la plupart des personnes autour de lui font non de la tête d’un air de désapprobation. Certains ont perdu leur père dans la guerre, d’autres un frère est en prison ou un oncle a disparu. Ils voient donc surtout les inconvénients de l’utilisation de la force.

Abdati Podach (39) : ‘Le Polisario peut ramener la lutte armée dans les villes, mais il faut comprendre qu’elle sera généralement utilisée contre les Sahraouis. Le Maroc nous appellera terroristes et la communauté internationale nous laissera tomber. Ainsi tout le travail de nos prédécesseurs aurait été fait pour rien. Par conséquent, je dis aux jeunes : ne jetez pas de pierres. Il faut être une victime. C’est notre avantage. Nous devons continuer pacifiquement, même si nous savons que c’est de notre côté que les victimes tombent.’

‘Ce qui est pris par la force, il faut le reprendre par la force.’

Mayara Mohamed (38) acquiesce de la tête : ‘Je pense que si nous continuons pacifiquement, une solution s’approchera. Depuis 2005, lorsque le soulèvement a commencé, l’internet , le téléphone et les réseaux sociaux se sont accélérés. En 2010, nous avons atteint un moment historique : le campement de Gdeim Izek. Parce que de 1975 jusqu’à ce jour, nous avions dû attendre pour montrer au monde que nous existions. La résistance se développe. Nous devons rester patients parce que nous avons le droit de notre côté.’

‘Je pense que la communauté internationale forcera un jour le Maroc à résoudre le conflit. Elle voit la menace du terrorisme dans les pays voisins, et s’inquiète du trafic de drogue, de la pauvreté et de la frustration. Elle ne veut pas que cela se répande dans toute la région. Ainsi notre problème devient un point important à l’ordre du jour de la communauté internationale.

Malade de la violence

Hamza Al Filali a fondé en 2011 avec une trentaine d’autres jeunes le groupe ‘Refusing Moroccan Identity’. Le logo du groupe est un poing noir serré.

‘Un symbole universel de la résistance’, explique-t-il. ‘Nous ne sommes pas les seuls qui luttons pour l’indépendance. Les Basques et les Palestiniens le font aussi. Ils ont utilisé la violence, mais à mon avis, c’est justifié, parce qu’ils sont des combattants de la liberté’.

En 2011, en signe de protestation Hamza et un groupe d’amis ont jeté leurs passeports. ‘Ainsi, nous avons montré que nous ne sommes pas Marocains, mais Sahraouis. Nous avons notre propre état et notre propre gouvernement bien qu’ils ne soient pas ici, mais dans des campements à l’autre côté de la frontière, ils sont nos dirigeants. Nous n’accepterons jamais d’être Marocains.’

Après cette opération, lors de chacune de leurs rencontres, le groupe a été attaqué par les policiers. ‘Je ne peux plus compter le nombre de fois qu’ils nous ont attaqués’, déclare Hamza sombrement. Dix des trente membres avaient tellement peur qu’ils se sont retirés, deux membres du groupe sœur dans la ville de Guelmim ont fini en prison.

‘Qu’ils nous battent et nous arrêtent est pire que de nous assassiner,’ dit-il avec colère. ‘S’ils vous assassinent, c’est juste une balle, puis vous êtes mort. En vous frappant, ils essaient de prendre votre dignité et ils nous usent.’

Il résume : ‘Tous mes amis ont des cicatrices, les gens sont malades de la violence, et nous avons toujours peur. La police m’a cassé le poignet à Gdeim Izek. J’ai perdu beaucoup de sang et mon poignet est toujours courbé. Mais je le considère comme un souvenir, et je n’oublierai jamais ce jour-là. C’était une grande bataille contre le Maroc. Bien que je veuille la guerre, je continue à attendre la décision du Polisario. Ils sont nos dirigeants et nous attendons l’indépendance. Je sens que ce jour approche de plus en plus.

Pourquoi les Sahraouis doivent-ils attendre si longtemps ?

Depuis 22 ans, les Sahraouis attendent le référendum promis par le Maroc. Pourquoi est-ce que cela dure si longtemps ?

Qui peut voter ?

Le Maroc pose comme règle que toute personne qui vit au Sahara occidental pourrait voter lors du référendum. Depuis 1975 des milliers de Marocains ont été attirés par les avantages fiscaux du Sahara occidental, ils sont maintenant la majorité. Leur vote sera décisif. Pendant ce temps, le Maroc a également investi des milliards de dollars dans la région mais sans effet positif pour les Sahraouis. Ils doivent accepter de faire partie du Maroc.

La plupart des Sahraouis veulent l’autodétermination, de même qu’un meilleur accès aux ressources naturelles de la région. Ils trouvent que seuls les Sahraouis ont le droit de voter lors du référendum, ce qui signifierait qu’ils gagneraient.

Que veut le monde ?

Lorsque les Sahraouis obtiendront ce qu’ils veulent, il y aura la naissance d’un état faible proche de l’Europe. La direction sahraouie est- elle bien organisée et capable de défendre les frontières poreuses de l’une des zones les moins peuplées dans le monde (d’après les estimations, il y a un demi-million de personnes dans une zone de 266.000 km², soit neuf fois la Belgique)? La communauté internationale veut surtout la tranquillité dans la région. Mais aucune des deux parties ne semble être en mesure de l’offrir. La préférence semble aller au Maroc, un Etat qui fonctionne avec une armée moderne. Mais reconnaître le clan marocain est contre le droit international. Un pays seul ne peut pas en décider. En revanche, 82 pays et plusieurs organisations internationales, dont l’ONU, l’UE et l’Union africaine soutiennent le droit à l’autodétermination des Sahraouis.

Des droits de l’homme et le terrorisme

Le Maroc viole régulièrement les droits de l’homme pour étouffer dans l’œuf la révolte sahraouie. MINURSO, la seule mission de maintien de la paix dans le monde sans mandat humanitaire doit patiemment regarder sans agir. Souvent des rapports sont publiés indiquant que les Sahraouis du Sahara Occidental sont marginalisés et discriminés par rapport aux Marocains.

Et les matières premières alors ?

Le Maroc considère la proposition américaine de prolonger la mission de paix des Nations Unies MINURSO avec un mandat humanitaire comme un pas en avant pour les Sahraouis. Cela permet un deuxième pas en avant : l’accès aux matières premières de la région. Et puis le but ultime : l’indépendance. Quand cela se réalisera, le Maroc perdra non seulement beaucoup d’argent, mais aussi une diminution de son pouvoir dans la région. Le Sahara occidental représente un tiers de son territoire et est riche en phosphate, poissons et peut-être même en pétrole. En outre, les Marocains considèrent les Sahraouis comme une extension de leur rivale l’Algérie. Si les Sahraouis obtiennent ce qu’ils veulent, les Marocains craignent que l’Algérie, à travers les Sahraouis, ne tienne le sceptre dans la région.

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