Qui veut encore s'associer à l'Autorité palestinienne?

Analyse

La position de faiblesse de l’administration palestinienne

Qui veut encore s'associer à l'Autorité palestinienne?

Manifestatie in Berlijn ter herdenking van de Palestijnse Nakba.
Manifestatie in Berlijn ter herdenking van de Palestijnse Nakba.

L'Autorité palestinienne, l'organe officiel de gouvernement des territoires palestiniens, n'a pas le vent en poupe. Son propre peuple la considère comme faible et corrompue, et Israël menace de créer une deuxième bande de Gaza en Cisjordanie. L'Europe, la Ligue arabe et les États-Unis veulent une Autorité palestinienne fortement réformée, mais ce à quoi elle devrait ressembler reste vague."

Cet article a été traduit du néerlandais par kompreno, qui propose un journalisme de qualité, sans distraction, en cinq langues. Partenaire du Prix européen de la presse, kompreno sélectionne les meilleurs articles de plus de 30 sources dans 15 pays européens.

Le 25 mars, avant même le nouveau cessez-le-feu fragile à Gaza, les habitants du nord de Gaza sont descendus dans la rue. La BBC, The Guardian et le New York Times ont titré : ‘Les plus grandes manifestations de rue contre le Hamas depuis octobre 2023’. La différence avec les médias à vocation arabe, tels que Middle East Eye et Al Jazeera, est frappante. Il semble que les manifestations étaient principalement dirigées contre la guerre et l'armée israélienne, et non contre le Hamas.

Le site d'information Al-Monitor a cité un étudiant d'université qui a parlé de sentiments anti-Hamas, mais qui a également pointé un doigt accusateur vers l'Autorité palestinienne (AP). Cette dernière serait à l'origine des manifestations.

L'Autorité palestinienne ?

L'Autorité palestinienne (AP) est l'organe officiel de gouvernement des territoires palestiniens depuis 1994. Elle est dirigée par le Premier ministre Mohammed Mustafa et contrôlée par le parti Fatah du président Mahmoud Abbas. Le mandat de l'actuel président Mahmoud Abbas a officiellement pris fin en 2009, mais M. Abbas a continué à prolonger son propre mandat.

L'AP a été créée en 1994 dans le cadre des accords d'Oslo, qui prévoyaient qu'elle disposerait d'un mandat temporaire pour mettre en place un État palestinien opérationnel d'ici 1999.

Mais le Hamas gouverne de facto la bande de Gaza depuis 2007, à la suite d'un conflit avec le Fatah, le principal parti à l'origine de l'Autorité palestinienne. Aujourd'hui, la gouvernance de l'AP se limite donc à la Cisjordanie.

Elle est également liée par la division de la région en trois zones administratives, A, B et C, également définie dans les accords d'Oslo en tant que mesure temporaire. La zone A est sous le contrôle total de l'Autorité palestinienne. La zone B est sous le contrôle de l'AP pour l'administration quotidienne et d'Israël pour le contrôle militaire. La zone C est sous le contrôle total d'Israël. D'ailleurs, même ce délai prévu a été largement dépassé depuis.

De nombreux Palestiniens considèrent l'AP comme un gouvernement contrôlé par l'Occident. Cette idée ne vient pas de nulle part. Tout le monde semble vouloir avoir son mot à dire sur l'AP.

Le 4 mars, de hauts responsables égyptiens, jordaniens, saoudiens, émiratis, qataris et autres se sont réunis au Caire pour dévoiler un plan arabe. Ce plan envisage une transition et un scénario futur pour Gaza et offre une réponse à la proposition d'expulsion de Trump pour les Palestiniens de Gaza. Le plan s'appuie sur des consultations et des discussions approfondies avec l'Autorité palestinienne et lui confère un rôle important. Mais l'Autorité palestinienne doit se réformer.

L'Europe soutient également l'AP pour l'instant en tant que seul administrateur possible d'un État palestinien, mais, pour la première fois, elle assortit ce soutien de conditions.

La popularité de l'AP au plus bas

Après la guerre dévastatrice qu'Israël a lancée à Gaza après le 7 octobre 2023, la popularité du Hamas a grimpé en flèche. Il en va de même en Cisjordanie, où l'Autorité palestinienne gouverne. Selon le dernier sondage d'opinion (en anglais) du centre de recherche palestinien PCPSR, daté de septembre 2024, la popularité du Hamas a légèrement baissé (à 36 %). Le Fatah, le parti du président palestinien, reste bloqué à 21%.

L'AP elle-même a vu sa popularité diminuer au fil des ans. Cela est dû en partie à son président, Mahmoud Abbas, âgé de 89 ans, qui a dépassé depuis longtemps sa propre date de péremption. Pas moins de 84 % des Palestiniens souhaitent le départ d'Abbas, selon le sondage du PCPSR.

Un grand nombre de Palestiniens considèrent que l'Autorité palestinienne n'est pas assez forte pour faire face à une occupation israélienne de plus en plus agressive, à la violence croissante des colons, à l'expansion des colonies et à la confiscation des terres. L'AP est considérée par beaucoup comme corrompue, inefficace, agissant pour le compte d'Israël et plus préoccupée par sa propre survie que par les intérêts nationaux palestiniens.

Dès 2023, Israël a commencé à mener des raids intensifs en Cisjordanie, notamment dans les camps de réfugiés de Jénine et de Tulkarem. Et en 2025, l'armée israélienne a lancé l'opération militaire du Mur de fer contre la résistance armée palestinienne dans les camps de réfugiés.

De nombreuses maisons et infrastructures ont déjà été détruites lors de cette opération violente. Selon le groupe de réflexion à but non lucratif International Crisis Group, 40 000 Palestiniens de Cisjordanie ont perdu leur maison et même l'accès total aux camps de réfugiés. Les forces de sécurité palestiniennes ont également mené des opérations militaires contre des groupes armés à Jénine et à Tubas, et l'AP en est également responsable.

Quel est le dilemme de l'AP ?

Aujourd'hui, l'AP est confrontée à un dilemme, écrit Tahani Mustafa de l'International Crisis Group dans un commentaire récent (en anglais). ‘La situation en Cisjordanie aujourd'hui concrétise l'ancien dilemme du mouvement national palestinien’, écrit M. Mustafa. ‘Et ce dilemme est le suivant : coopérer avec Israël à tout prix (...) ou s'opposer activement à l'occupation, par des manifestations populaires ou par la confrontation armée’.

Si l'AP se rallie au discours sécuritaire israélien en combattant les groupes armés palestiniens, elle perd sa légitimité auprès de son propre peuple. Si l'Autorité palestinienne se rallie à la résistance armée, elle déclenche un scénario de Gaza en Cisjordanie.

Compte tenu de la menace que représente le scénario de Gaza, l'AP est encline à adopter une position de prévention, estime Martin Konecny, de l'European Middle East Project. L'AP veut absolument éviter qu'Israël ne trouve un prétexte pour dérouler ce scénario. A cela s'oppose le contre-argument suivant : 'Israël va de toute façon dérouler ce plan, donc cette prudence ne vous mènera nulle part, vous ne faites que retarder l'exécution et en même temps vous ne mobilisez pas la résistance'".

Aujourd'hui, l'Autorité palestinienne semble donc être entre le marteau et l'enclume. Car la pression extérieure se fait de plus en plus forte. Les appels aux réformes se font entendre et les relations avec Israël sont de plus en plus hostiles.

Quelle AP le monde arabe veut-il ?

Selon Martin Konecny, il est difficile de savoir avec quelle forme d'Autorité palestinienne les États arabes veulent s'engager. ‘Les Émirats arabes unis souhaitent également le départ du président Abbas. Ils sont partisans de Mohammed Dahlan, qui réside actuellement aux Émirats arabes unis (EAU) et qui n'est pas le meilleur ami d'Abbas’.

Dahlan, ancien expert en défense de Gaza au sein de l'Autorité palestinienne, influencerait certainement l'attitude critique des Émirats à l'égard de l'Autorité palestinienne actuelle. Selon M. Konecny, il est remarquable qu'Abbas ait récemment annoncé l'amnistie pour tous ceux qu'il a expulsés du Fatah. Il s'agit là d'une concession à Dahlan et aux Émirats arabes unis.

Mais pour les Émirats arabes unis, le culte des personnes est moins important que leur programme géopolitique et stratégique, qui déterminera la forme que prendra l'Autorité palestinienne. ‘L'agenda des Émirats arabes unis sert leurs relations avec Israël, mais surtout avec les États-Unis’, explique M. Konecny. ‘Ces liens avec les États-Unis sont mille fois plus importants que les intérêts des Palestiniens.’

Quelle AP l'Union européenne veut-elle ?

‘Au sein de l'Union européenne, nous constatons une volonté croissante d'intégrer l'Autorité palestinienne dans un scénario européen’, déclare le député européen Marc Botenga, qui siège à la commission des affaires étrangères du PVDA-PTB. ‘Nous l'avons déjà constaté lors de la formation du nouveau cabinet de l'AP l'année dernière, suite à la démission du cabinet existant (en février 2024, le gouvernement complet du premier ministre Mohammed Shtayyeh a démissionné, ndlr). L'UE ne demandait qu'à avoir son mot à dire à ce sujet’.

‘Certaines des réformes proposées par l’UE se fondent clairement davantage sur les exigences israéliennes que sur ce qui est nécessaire pour rendre l’AP plus efficace et légitime.’

‘Et nous voyons comment l'UE pose maintenant des conditions à la nouvelle aide financière aux Palestiniens.’ L'été dernier, la Commission européenne a promis un nouveau paquet d'aide d'urgence à l'Autorité palestinienne, ainsi qu'un accord de principe sur un programme de réhabilitation pour les Palestiniens. Dans la lettre d'intention, l'UE et l'AP notent que ‘la stabilisation fiscale nécessite des réformes substantielles de l'Autorité palestinienne’.

À cet égard, Martin Konecny est particulièrement préoccupé par la croissance des voix pro-israéliennes en Europe. ‘L'Union européenne et les États-Unis ont demandé à plusieurs reprises à l'Autorité palestinienne de se réformer. Certaines de ces réformes sont manifestement davantage fondées sur des exigences israéliennes que sur ce qui est nécessaire pour rendre l'Autorité palestinienne plus efficace et plus légitime aux yeux de son propre peuple’.

M. Konecny souligne également le fait qu'aucune condition n'est imposée à Israël dans le cadre du programme de recherche et de coopération Horizon Europe. Israël y bénéficie donc d'un soutien considérable, sans qu'aucune condition ne lui soit imposée.

‘Certaines des réformes proposées par l’UE se fondent clairement davantage sur les exigences israéliennes que sur ce qui est nécessaire pour rendre l’AP plus efficace et légitime.’

Mohammad Mustafa (premier en minister van Buitenlandse Zaken van de Palestijnse Autoriteit) en Kaja Kallas (Hoge Vertegenwoordiger van de Europese Unie voor Buitenlandse Zaken en Veiligheidsbeleid), bij een ontmoeting in Brussel op 17 januari 2025.

Mohammad Mustafa (premier en minister van Buitenlandse Zaken van de Palestijnse Autoriteit) en Kaja Kallas (Hoge Vertegenwoordiger van de Europese Unie voor Buitenlandse Zaken en Veiligheidsbeleid), bij een ontmoeting in Brussel op 17 januari 2025.

De quelles conditions s'agit-il ?

La lettre d'intention entre l'Union européenne et l'Autorité palestinienne comprenait une liste de conditions à mettre en œuvre avant la fin du mois d'août 2024. Il s'agit notamment de la réduction de 5 % des dépenses fixes du gouvernement et de l'âge obligatoire de départ à la retraite pour les fonctionnaires. ‘Ce sont des questions assez triviales’, déclare M. Botenga.

Cependant, il ajoute que quelques autres conditions ont soulevé des questions.

Par exemple, l'une des conditions fait référence à une réforme de l'éducation ‘y compris la modernisation du programme scolaire’. Il s'agit de l'obsession de l'UE pour le contenu contesté des manuels scolaires palestiniens, explique Martin Konecny.

‘Il s'agit de passages de manuels considérés comme controversés parce qu'ils appellent à l'hostilité à l'égard d'Israël. Sous la pression des eurodéputés ayant des liens étroits avec Israël, le discours sur le prétendu antisémitisme dans les manuels scolaires palestiniens est devenu unilatéral et disproportionné’.

Une autre condition concerne les paiements effectués par le gouvernement palestinien aux familles des Palestiniens capturés ou tués par les forces israéliennes. Ces paiements sont depuis longtemps une épine dans le pied d'Israël et des États-Unis, qui qualifient cette pratique de “pay for slay” (“payer pour tuer”), c'est-à-dire récompenser les auteurs d'actes de violence contre Israël.

‘Ils ont tordu le bras de l'Autorité palestinienne dans ces négociations’, explique M. Botenga. ‘Lors d'une audition au Parlement européen, j'ai demandé à Gert Jan Koopman, alors directeur général de l'élargissement et du voisinage, si d'autres éléments avaient été imposés qui ne figuraient pas dans l'accord final. Il m'a répondu que la Commission s'était appuyée sur la proposition de l'Autorité palestinienne. C'est absurde.’

Les conditions sont-elles remplies?

Oui, affirme Martin Konecny, l'Autorité palestinienne remplissait déjà certaines des conditions. Par exemple, Abbas a déjà publié un décret mettant fin au système d'allocations pour les prisonniers. ‘C'est remarquable, car l'Autorité palestinienne a mis en œuvre ces réformes avant même que la Commission ne précise le montant total de l'enveloppe financière. Le montant exact de l'enveloppe reste vague, car il n'y a rien sur le papier concernant une deuxième phase’.

Dans une première phase, l'UE fournit une aide d'urgence à court terme pour couvrir les besoins financiers urgents : 400 millions d'euros. La seconde phase prévoit un programme pluriannuel global ‘pour le redressement et la résilience de la Palestine’. Cette phase reste donc en suspens pour le moment, tout comme la poursuite de l'aide financière promise.

Des députés européens, dont Marc Botenga, ont posé une question écrite à la Commission pour connaître les raisons de ces retards. La direction générale compétente de la Commission (Élargissement et voisinage oriental, ndlr) indique que la dernière partie de l'aide d'urgence a été déposée le 18 novembre 2024’, a déclaré M. Botenga.

Dans sa réponse, la Commission a révélé qu'elle ‘travaillait dur sur la deuxième phase’, faisant référence à un accord euro-palestinien le 31 octobre 2024. Cet accord traiterait des réformes palestiniennes pour former la base du programme pluriannuel.

Les réformes palestiniennes incluront-elles des élections ?

Cela fait 2006 que les Palestiniens ne se sont pas rendus aux urnes. Des élections étaient pourtant prévues en 2021, notamment pour élire un nouveau président. Mais Abbas a brusquement annulé le scrutin.

Quatre ans plus tard, la tenue d'élections nationales dans les territoires palestiniens occupés et dans la bande de Gaza détruite est encore moins évidente. La violence militaire, mais aussi les dissensions entre le Hamas et le Fatah, le parti d'Abbas, font des élections nationales une tâche difficile. De plus, Israël ne considère pas les élections à Jérusalem-Est, une condition préalable aux élections nationales, comme une option.

Les pays arabes ont mis l'accent sur un gouvernement d'unité palestinienne et des élections nationales palestiniennes dans leurs communications du 4 mars. Mais il est remarquable que rien ne figure à ce sujet dans le plan arabe final.

Les commentateurs estiment que le moment est mal choisi. Pour l'instant, l'Europe aime aussi beaucoup les élections. C'est aussi ce que dit Marc Botenga : ‘L'Union européenne a complètement abandonné l'idée d'élections, de peur que le Hamas ne l'emporte lors d'élections éclair. Cela montre surtout que l'Autorité palestinienne est trop gouvernée de l'extérieur. Tout le monde essaie de trouver une solution de l'extérieur, que l'Autorité palestinienne peut ou non accepter.’

L'AP a-t-elle le choix ?

‘On a toujours le choix’, estime Marc Botenga. ‘Quoi qu'il en soit, une partie de la population palestinienne n'est pas satisfaite de l'AP, mais cela s'applique aux partis politiques palestiniens en général. Mais c'est à l'AP et aux Palestiniens eux-mêmes de faire le choix, pas aux autres, ni à l'Europe, ni aux pays arabes’.

‘Le plan arabe peut prévoir une place pour l'AP, et non pour le Hamas, à Gaza. Mais l'identité de cette AP n'est pas claire. L'AP d'aujourd'hui est-elle aussi l'AP de demain ?’

L'Autorité palestinienne n'a guère le choix, estime Martin Konecny, de l'European Middle East Project. ‘C'est un dilemme récurrent. Elle s'adapte au soutien financier et à la sécurité aujourd'hui, mais en même temps, elle affaiblit sa crédibilité auprès de ses propres citoyens et fait le jeu du Hamas. Le Hamas peut dire : “Nous libérons des prisonniers en échange d'otages israéliens, alors que l'Autorité palestinienne réduit les allocations de ces mêmes prisonniers grâce à ces réformes". Alors, qui sert l'intérêt national ?”’


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La traduction est assistée par l'IA. L'article original reste la version définitive. Malgré nos efforts d'exactitude, certaines nuances du texte original peuvent ne pas être entièrement restituées.