Radiographie : le Congo, un an après les élections

Un an après les élections au Congo, des évolutions positives sont-elles déjà perceptibles ? Au Nord-Kivu, les bonnes nouvelles sont une denrée rare, mais, au Katanga, un gouverneur fait bel et bien la différence. Partant, le président Joseph Kabila est mis sous pression et doit lui aussi faire ses preuves. Kabila compte surtout sur son accord avec les Chinois. MO* a pu parcourir les fameux contrats avec la Chine et y voit en effet des opportunités. Cependant, l’administration congolaise en plein dysfonctionnement demeure un fardeau pour le pays.
Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est le meilleur politicien du pays ?
15 décembre 2007. Des asphalteuses font apparaître un revêtement lisse comme une boule de billard à Lubumbashi, capitale du Katanga et deuxième ville du Congo. En Belgique, ce spectacle est courant, mais pas au Congo. En outre, cette rue n’est manifestement pas la seule de Lubumbashi à avoir bénéficié d’un tel traitement. Contrairement à Kinshasa, métropole crasseuse, Lubumbashi est étonnamment propre. Ici, on prête attention à l’espace public : des fleurs et des arbres sont plantés dans les parterres, tout le centre de la ville a été peint en couleur ocre à la demande du nouveau gouverneur et, au nord de la ville, des sources d’eau sont canalisées afin de fournir davantage d’eau potable aux habitants de Lubumbashi.
‘C’est la première fois en vingt ans que Lubumbashi ne décline pas’, déclare un Belge avec conviction. L’explication de cette tournure positive – tout le monde s’accorde à le dire - s’appelle Moïse Katumbi, gouverneur du Katanga depuis mars 2007. Katumbi est un riche entrepreneur et propriétaire du club de foot le plus populaire du Congo, le Tp Mazembe. Il admet ne pas avoir été trop regardant avec la loi dans le passé.
À cette époque, c’était une condition indispensable pour survivre, dit-il. Aujourd’hui, le maraudeur est devenu garde champêtre et, tout comme Moïse, il cherche la terre promise : c’est justement parce qu’il sait si bien ce qui ne va pas qu’il connaît exactement les étapes à suivre. Katumbi a de ce fait interdit d’exporter encore du minerai brut de cuivre et de cobalt. Cette interdiction oblige les entreprises à affiner les minerais au niveau local et à maintenir des emplois au Congo. En outre, Katumbi veille à ce que davantage de taxes atterrissent dans les caisses de l’État. Les recettes fiscales sont passées de 21 millions à 200 millions de dollars, déclare-t-il. ‘Toutefois, 3% tout au plus de cet argent reviennent de Kinshasa, et encore de manière irrégulière.’
Avec quel argent Katumbi finance-t-il donc ces travaux ? Ce n’est pas toujours clair. Selon ses propres dires, il consacre deux de ces 3% aux nouvelles institutions politiques, au parlement provincial et au gouvernement provincial. Et cela ne suffit apparemment pas, car la cuivrerie indienne Chemaf a acheté un 4x4 pour tous les ministres. Chemaf paie aussi de très nombreux travaux routiers. Régulièrement, des panonceaux proclamant ‘Don de Chemaf’ font leur apparition sur les routes rénovées.
Katumbi fait souvent appel à la bonne volonté des entreprises : ‘En plus de leurs impôts, les entreprises apportent volontairement leur contribution pour la population locale.’ Katumbi lui-même en est peut-être le meilleur exemple, car ‘très souvent, on ne sait pas vraiment s’il donne son propre argent ou celui de l’État à une école’, déclare un diplomate occidental. C’est aussi le cas pour les outils avec lesquels les routes sont construites : s’agit-il de ceux de MCK, l’entreprise de Katumbi, ou de ceux de l’État ?
‘Katumbi fait ce dont les gens ont besoin’, nous confie Lambert Mimpiya, un employé de banque avec un passé dans la société civile. ‘Je trouve ça très bien. Je me demande seulement s’il le fait avec son propre argent ou avec celui des dons d’entreprises minières. Quand on leur demande de faire la charité, peut-on encore les taxer comme il se doit par après ?’
Cette remarque est pleine de logique. Quelle est votre réussite en tant qu’administrateur de la province la plus riche du pays si les routes doivent être construites grâce à la bienfaisance des entreprises ? Cette question mettrait un bémol à la réussite de Katumbi dans n’importe quel autre pays, mais pas au Congo, justement parce qu’il y est tellement exceptionnel de rencontrer un homme politique qui, malgré le système administratif prédateur (voir plus loin), fait de bonnes choses pour la population. On entend souvent les gens affirmer que ‘nous avons besoin de quelqu’un comme Katumbi à la tête du pays’.

Le sorcier vit-il à Kinshasa ?


Le contraste avec la capitale Kinshasa est énorme. Un an après les élections, le désenchantement y est presque palpable, car les gens ne voient aucun changement : les routes sont tout aussi mauvaises, les transports en commun tout aussi insuffisants… Ce ne sont pas des détails, mais des faits qui compliquent la vie de millions de personnes. Bien que seule une fraction des neuf millions de Kinois, selon les estimations, dispose d’une voiture, de graves embouteillages entravent déjà la circulation.
Les gens perdent facilement deux à trois heures par jour sur le chemin du travail. Le prix du transport à bord de bus déglingués est, quant à lui, prohibitif. Chaque matin, on assiste sur plusieurs kilomètres à un exode de piétons qui se rendent des communes périphériques vers le centre de la ville, dans l’espoir d’y décrocher un petit boulot ou d’y vendre quelque chose. Le soir, cette même masse rentre chez elle, toujours à pied.
‘Récemment, une inondation a emporté de nombreuses habitations’, déclare mon chauffeur, Lambert. ‘La seule mesure prise par le gouvernement a été de nous attribuer un terrain. Comme si nous pouvions vivre en plein air pendant la saison de pluies.’ Par contre, les 600 parlementaires se sont octroyé un salaire mensuel de 4500 dollars et un 4x4. Dans un pays où 70% des gens vivent dans une extrême pauvreté, c’est choquant.
Ça et là, Kabila reçoit bien un peu de crédit. Il préserve la stabilité de la monnaie (lisez : il n’imprime pas d’argent supplémentaire comme le faisait Mobutu. Le gouvernement ne dépense pas plus que ce qui rentre). Xavier Maret, représentant du Fonds monétaire international (FMI) au Congo, confirme que la politique macroéconomique menée par la Banque Centrale Congolaise depuis 2001 est devenue un noyau dur de bonne gouvernance.
Il est aussi prometteur que le Congo ait adhéré à l’Extractive Industries Transparency Initiative (EITI), l’initiative plaidant pour une plus grande transparence dans l’industrie minière. Elle déclare que les entreprises doivent signaler ce qu’elles paient et à quels services publics, et que lesdits services doivent, à leur tour, communiquer la destination de cet argent. Ce processus est codirigé par un comité consultatif, englobant la société civile, les entreprises, le pouvoir politique et la Banque mondiale. ‘Kabila a pris les mesures nécessaires pour créer le cadre juridique’, déclare Ferdinand Muhigirwa du CEPAS (Centre d’Études pour l’Action Sociale), qui siège au comité de l’EITI au nom de la société civile.
‘Si ça marche, on peut tout simplement parler de révolution.’ A contrario, une fois encore, Kabila a annoncé en été un remaniement du gouvernement, mais il a patienté quatre mois avant de l’effectuer. Résultat : pendant quatre mois, aucun ministre n’a plus osé entreprendre quoi que ce soit. A cela s’ajoute la débâcle dans l’est du Congo. ‘La communauté internationale a certainement déconseillé une quinzaine de fois à Kabila d’entamer une guerre dans l’est du Congo’, déclare une source auprès de la force de maintien de la paix de l’ONU au Congo (MONUC). ‘Nous savions que son armée ne pouvait se mesurer à celle de Nkunda (chef des rebelles dans l’est du Congo, NDLR). À présent, il se retrouve en position de faiblesse pour négocier.’
Le problème majeur, c’est le gouvernement de Gizenga, ce dinosaure de premier ministre, et ses ministres qui sont quasiment tous des incapables. ‘Il vaudrait mieux que Gizenga prenne lui-même l’initiative de démissionner et de terminer ainsi en beauté’. Beaucoup partagent cet avis.

Qu’est-ce qui ne va pas dans les ministères congolais ?


La meilleure façon de gagner de l’argent au Congo est d’avoir un emploi dans l’administration. Les hommes politiques considèrent les richesses du pays comme leur propriété personnelle, qu’ils peuvent vendre pour leur propre compte au plus offrant. Ce qui se passe au sommet, se passe également aux échelons inférieurs. Chaque fonctionnaire monnaye sa position. Un fonctionnaire du fisc n’est pas tellement – et surtout pas exclusivement – là pour percevoir des impôts, mais surtout pour vendre des réductions d’impôt.
‘A Goma et Bukavu, il y a jusqu’à vingt services qui exigent de l’argent lorsque vous importez un conteneur’, déclare une source anonyme qui travaille à la réforme des ministères pour le compte de la Coopération Technique Belge (CTB). Les fermiers possédant plus de dix chèvres peuvent être certains d’avoir la visite d’un membre du ministère de l’Agriculture.
En essayant de monnayer son pouvoir, chaque fonctionnaire complique en fait le véritable commerce des marchandises. Ce faisant, l’État devient une espèce de prédateur pour tout entrepreneur dans l’âme. Au Congo, il faut six mois avant de pouvoir démarrer une entreprise, selon un constat de la Banque mondiale dressé fin de l’année dernière. Une année de régime Kabila n’y a rien changé. Au Katanga aussi, le vieux système prospère avec vigueur sous Katumbi : une personne de bonne volonté ne suffit pas pour terrasser le prédateur.
Le Congo montre à quel point l’administration est importante dans un processus de développement. Lorsqu’est développé un État qui prend en charge l’éducation, le réseau routier ou les soins de santé, c’est grâce à la volonté de forces suffisamment puissantes au sein de la société. Au Congo, ce n’était de toute évidence pas le cas jusqu’à présent. Après son indépendance, la société congolaise a découvert un État colonial. Son développement ne s’est pas poursuivi, bien au contraire, il est progressivement devenu exsangue. Ce processus a peut-être débuté au sommet : à mesure que Mobutu Sese Seko, président de 1965 à 1997, « dévorait » tout, les salaires des fonctionnaires baissaient, les obligeant à trouver d’autres revenus.

La coopération belge au développement peut-elle soigner l’appareil du pouvoir congolais malade ?


Au Congo, la Coopération Technique Belge (CTB) dirige un programme visant à réformer la fonction publique. Cette tâche est gigantesque, nous confie Jacques Druart, chef du département international du Service public fédéral Personnel et Organisation. Depuis la Belgique, il encadre le projet CTB au Congo. M. Druart déclare : ‘Selon les estimations, le Congo compte 600.000 fonctionnaires, dont la moitié de fonctionnaires fantômes, la majorité ayant plus de 65 ans. Ce sont des personnes qui ne vont plus travailler, mais qui viennent tout de même percevoir leur salaire une fois par mois. Pour le moment, aucun homme politique n’ose cependant tailler dans le vif de cet effectif.’
Le but de la CTB est de lancer la réforme des ministères au départ d’une cellule de réforme, qui compte un petit groupe de personnes mieux payées. Ce programme  démarre logiquement au ministère de la Fonction publique. Les collaborateurs de la CTB ont l’impression que le gouvernement congolais ne trépigne pas d’impatience face aux réformes. ‘Suite au dialogue avec les donateurs, le gouvernement affirme être demandeur de ces réformes  et pourtant, il n’a dégagé aucun moyen pour ce faire dans son budget 2007.
En outre, l’actuel ministre de la Fonction publique est déjà le quatrième en place en deux ans.’ Un des problèmes est le fait que le ministre de la Fonction publique ne pèse pas bien lourd et n’est pas de taille à se mesurer au ministère du Budget et des Finances. Nos sources expliquent: ‘Cette situation a de lourdes conséquences. Même si c’est la Fonction publique qui rédige les listes de ceux qui doivent être payés, c’est le Budget qui détermine les personnes qui seront réellement payées. Il ne transmet toutefois pas ces informations à la Fonction publique.
Explication ? Si votre ministère peut décider, sans fouineurs, qui est payé ou pas, c’est intéressant. La connaissance, c’est le pouvoir et l’argent. Il existe bel et bien une guerre entre les ministères. La guerre territoriale fait constamment rage. Le pays compte cinq ministères avec un service macroéconomique, mais ils ne collaborent pas entre eux. Nous essayons d’harmoniser leur fonctionnement, et ce, au niveau le plus fondamental. Dans le passé, il y a déjà eu des tentatives pour déterminer les départements et le nombre d’emplois dont un ministère a besoin, mais tout cela est trop technique. On a négligé de poser la première question : quelle est la mission d’un ministère ? Comment la délimiter par rapport aux autres ministères ?’
Une autre source nous confie : ‘Il faut prendre en considération les intérêts de toutes les parties, les convaincre qu’il y va de leur intérêt de réformer.’ Ce n’est pas chose aisée. Comment convaincre un ministre, qui, généralement, ‘veut réussir son coup’ en six mois, du bien-fondé qu’une tâche ‘lucrative’ convient mieux à un autre ministère ? L’une des conditions sine qua non pour pouvoir réussir la réforme est que la communauté internationale fasse bloc derrière cette réforme. Nos sources constatent que c’est encore peu le cas. ‘Chacun est encore trop occupé dans son coin.’
Entre-temps, les coopérants qui travaillent à la réforme des ministères, se posent de grandes questions. ‘La Banque mondiale avait mis 50 millions de dollars à disposition pour mettre un certain nombre de fonctionnaires à la retraite. La majeure partie de cet argent est toutefois introuvable. En outre, ce n’est pas parce qu’un certain montant est repris au budget qu’il arrive bel et bien dans les caisses d’un ministère déterminé. Régulièrement, l’argent est pompé par le cabinet.’
Au ministère congolais de l’Agriculture, le grand patron, Honoré N’Lemba, est plus optimiste, tout comme Alain Huart qui travaille au ministère depuis quelques années déjà pour le compte de la CTB : ‘Il est pour le moment impossible de réformer des ministères tels que les Finances, qui ‘chevauchent’ largement d’autres ministères. Pour l’Agriculture, c’est différent. C’est un département technique chargé de tâches assez spécifiques. Le processus de réforme y est en outre en cours depuis cinq ans.
Sur les 4.000 fonctionnaires de ce ministère à Kinshasa, seuls 300 fonctionnaires bien payés sont peut-être nécessaires. Même si les nombreux fonctionnaires superflus savent qu’il va y avoir dégraissage, vous ne pouvez pas les licencier comme ça. Nous allons les aider à entreprendre autre chose. Le volet politique se présente bien, lui aussi. Nzanga Mobutu, « le fils de », est resté ministre de l’Agriculture. Il entend donc manifestement se mettre en frais. Nzanga Mobutu se rend compte que 70% des Congolais sont des fermiers. Si, en quatre ans, il parvient à leur démontrer que le ministère de l’Agriculture est là pour les aider et non les ennuyer, il engrangera assurément les bénéfices lors des prochaines élections.’

Projets CTB intelligents et moins intelligents


Au vu des programmes de réforme de la fonction publique que la Cooperation Technique Belge met en place au Congo, il est clair que la Coopération Technique Belge a tiré des enseignements du passé. On est bien loin de l’image de l’expert étranger qui s’occupe du volet technique sur sa petite île. Ils ne ferment pas les yeux devant la réalité politique et sociale, mais essaient au contraire de les intégrer pleinement dans le fonctionnement, entre autres en collaborant vraiment avec la population locale. Si ça ne marche pas, en raison d’un soutien local insuffisant ou par manque de cohérence dans l’industrie de l’aide, cela fait l’objet d’un rapport. C’est alors au monde politique belge de réagir face à ce constat.
Les projets ‘eau’ de la CTB sont tout aussi ‘intelligents’. Ceux-ci confient la gestion des puits à des comités de quartier, même à Kin où la moitié de la population n’a pas de canalisations d’eau. Et même si l’élaboration d’une telle structure de gestion nécessite beaucoup plus de temps que le forage d’un puits, cette approche est beaucoup moins onéreuse – 16 euros par personne par rapport à 120 euros quand la gestion est confiée à l’entreprise publique Regideso – et permet aux gens de maîtriser leur propre situation. Si l’on demande assez d’argent pour l’eau, des moyens seront alors aussi disponibles pour renouveler les pompes et payer les mamans à la pompe ainsi qu’un plombier.
Le projet visant à donner des appareils tels que des tours, des ordinateurs ou des moteurs électriques à des instituts professionnels et techniques dans de nombreuses villes est pour sa part plus vulnérable. Lorsque nous l’avons visité, tous les appareils étaient paralysés, parce qu’il n’y avait de nouveau pas de courant. En outre, on est en droit de se demander comment ceux-ci doivent être réparés ou remplacés. À l’Institut technique de Gombe à Kinshasa, nous apprenons en effet que les moyens de fonctionnement sont bloqués ‘quelque part’.

La survie de Kabila dépend-elle des Chinois ?


‘Les politiciens congolais ne sont sûrement pas devenus des anges’, déclare un diplomate des Nations unies qui travaille depuis quelques années au Congo. ‘Toutefois, je les entends souvent dire qu’ils doivent pouvoir présenter des résultats d’ici aux prochaines élections. Cette dynamique des élections change donc la logique.’ L’heure tourne aussi pour Joseph Kabila. Il existe une différence claire, et pénible pour Kabila, entre Lubumbashi et Kinshasa. Est-elle imputable à la différence entre le gouverneur Katumbi et Kabila ?
Ou est-il tout simplement beaucoup plus complexe de diriger l’ensemble du pays que le Katanga seul ? Et Kabila peut-il, malgré la bonne volonté, presser autant l’État ‘prédateur’ qu’il ne le fait maintenant ? Le budget congolais pour 2007 prévoyait 1,3 milliard de dollars de dépenses, soit à peine plus que le budget de la ville de Gand. Ce montant est vite englouti par des dépenses courantes telles que les salaires des fonctionnaires. Il ne reste alors pas de place pour les investissements dans les écoles, les hôpitaux, l’hydraulique, l’emploi ou les routes – les cinq « chantiers » de Kabila –, alors que ce sont précisément les secteurs réclamés par la population.
Les recettes fiscales augmentent certes, mais cette augmentation demeure très modeste. C’est surtout le soutien étranger qui s’est avéré décevant, celui-ci ne s’élevant fin août qu’à 13%des 630 millions de dollars escomptés. Le FMI confirme que les donateurs ne tiennent leurs promesses que tardivement, même s’il pense aussi qu’en raison des innombrables procédures, le gouvernement ne parvient pas à suivre ce qui rentre.
La contribution de la coopération belge au développement augmente rapidement. Pendant la période 2007-2012, la CTB va dépenser 480 millions d’euros, soit quatre fois plus qu’en 2002-2007. Proportionnellement, ces chiffres ne représentent cependant qu’une goutte d’eau en regard des défis à relever au Congo. Il y a toutefois aussi des « oublis » gênants. Au printemps 2007, le ministre des Affaires étrangères, Karel De Gucht (Open VLd), a annoncé, sûr de lui, à la frontière zambienne que la Belgique allait y moderniser le poste frontière afin de lutter contre la fraude du cuivre. Depuis, on n’en a plus entendu parler.
Les autorités congolaises se montrent insatisfaites du manque de soutien occidental et disent ne pouvoir rien faire d’autre que de conclure des accords avec les Chinois. Dans cette optique, la réussite des projets chinois est cruciale pour Kabila. Dans son premier discours devant la nation, il le disait d’ailleurs lui-même : ‘Les banques chinoises sont prêtes à cofinancer nos cinq chantiers. Pour la première fois de son histoire, le peuple congolais va comprendre à quoi sert tout ce cuivre, cobalt et nickel.’

Les Chinois sont-ils les sauveurs ou les nouveaux colonisateurs du Congo ?


MO* a pu parcourir les contrats entre la Chine et le Congo (voir encadré). L’accord de base autour de Socomin a été finalisé au cours du mois de décembre 2007, après 2 mois de négociation à Pékin. ‘Cela a pris énormément de temps’, déclare Paul Fortin, le président-directeur général français de la Gécamines. ‘Il a fallu en effet se mettre d’accord sur le modèle économique qui détermine la manière dont il est possible de rembourser les investissements chinois au moyen des recettes de Socomin.
Pour le reste, il s’agissait de négociations commerciales, comparables à celles menées pour les nombreux autres partenariats de la Gécamines avec des partenaires privés.’ Lors des négociations, il a été décidé que Socomin va extraire en quinze ans quelque dix millions de tonnes de cuivre et de cobalt pour rembourser les prêts. Vu que Socomin est détenue aux deux tiers par des acteurs chinois, il va de soi que l’entreprise livrera à la Chine. ‘Mais aux prix du marché’, nous assure M. Fortin.
Les Chinois assurent solidement leurs arrières. Les premiers bénéfices doivent être affectés au remboursement de l’investissement minier, tout comme dans d’autres accords privés conclus avec la Gécamines. L’accord prévoit aussi que ‘le gouvernement congolais doit garantir la sécurité des investissements ainsi que le paiement des travaux d’infrastructure’. En cas de litige, les tribunaux congolais ne sont pas compétents, mais le litige est soumis à l’arbitrage de la Chambre de commerce internationale de Paris.
D’autre part, l’accord comporte des dispositions qui réfutent la « théorie de colonisation ». L’accord stipule que seul un travailleur sur cinq peut être Chinois et que, pour chaque travail, un demi pour cent doit être consacré à la formation de Congolais et au transfert de technologie. 10 à 12%doivent être consacrés à des entreprises congolaises. 1%doit être attribué à des activités sociales dans la région et 3%du montant doivent servir à couvrir les frais de protection de l’environnement.
Ce n’est pas encore clair comment tout cela va tourner pour le Congo. Quelle sera la qualité des travaux ? Le Congo est-il en mesure de contrôler cet aspect ? Une chose est certaine : la situation n’est pas aussi tranchée que d’aucuns aimeraient le faire croire. M. Fortin est enthousiaste : ‘Le Congo ne doit pas attendre d’avoir lui-même l’argent pour ses infrastructures. Avec ses matières premières en guise de garantie, lesdites infrastructures  seront construites à partir de 2008.  Hormis pour le pétrole, je ne connais aucun accord semblable.’
L’échange avec les Chinois semble être une bonne solution pour réaliser certaines choses à court terme. Quoi qu’il en soit, l’amélioration du fonctionnement de l’État demeure une nécessité et une condition pour garantir l’utilisation et l’entretien corrects de ces nouvelles routes et voies ferrées, ces nouveaux hôpitaux et ces nouvelles écoles.
Pour les Belges, le rôle joué par la Chine est parfois un peu frustrant. Grâce à leurs projets, les Chinois ont accès au cuivre et au cobalt, les Belges pas ou, en tout cas, pas directement. ‘Alors que nous devons tout de même penser à notre approvisionnement’, insiste vivement un diplomate. ‘Le monde belge du développement accepterait-il que nous travaillions comme les Chinois ?’ Ce n’est qu’une question parmi d’autres. Autre question : qui d’autre que les Chinois peut effectuer des travaux d’une telle ampleur à si bas prix et aussi vite ? Quel pays européen dispose encore d’entreprises publiques disposées à s’embarquer dans une telle aventure ?
Johan Swinnen, l’ambassadeur de Belgique au Congo, plaide déjà pour une officialisation du rôle prédominant des Chinois. Actuellement, la concertation entre Kabila et la communauté internationale prend une tournure de « 3+2 » : les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne plus la Belgique et l’Afrique du Sud. ‘Il serait préférable d’y impliquer également la Chine’, ajoute M. Swinnen. Les temps changent.

En exclusivité : les contrats entre la Chine et le Congo


- L’accord principal a été conclu entre l’État congolais et trois grosses entreprises publiques chinoises, parmi lesquelles Eximbank, qui accorde depuis des années d’importants prêts à des exportateurs chinois. L’accord stipule que ces deux parties vont fonder la société mixte Socomin (Société Congolaise Minière) de droit congolais. Celle-ci est détenue à 32% par la grande entreprise minière publique du Katanga, la Gécamines, et à 68% par les Chinois. Socomin exploitera évidemment les richesses du Congo, surtout dans la région de Likasi (Mashama et Dima, synclinal Dik Colline). Il s’agit majoritairement de nouvelles mines. Rien n’est tiré d’exploitations existantes, sauf une partie de la Katanga Mining du Belge George Forrest, qui sera indemnisé en conséquence.
- Dans un premier temps, les recettes de Socomin seront utilisées pour rembourser les investissements miniers de l’ordre de 3 milliards de dollars. La Gécamines obtient également un prêt de redressement, qui permettra de payer les arriérés de salaires d’anciens travailleurs belges notamment.
- Dans un deuxième temps, 66%du bénéfice net seront consacrés au remboursement des prêts consentis par les Chinois pour payer les travaux d’infrastructures. Les 34% restants sont répartis entre les actionnaires. La joint-venture est exonérée de tous les impôts pendant ces deux premières phases.
- Vient ensuite la liste, pour la somme de 9 milliards de dollars, de travaux d’infrastructures à réaliser par deux grandes entreprises publiques chinoises. Les lignes à haute tension et les centrales électriques que Sinohydro va construire ou rénover sont décrites avec précision. Sinohydro est une grosse entreprise publique qui s’est occupée de l’essentiel des ouvrages hydrauliques et des centrales hydroélectriques en Chine. Cette entreprise se chargera également de la réparation et du développement des adductions d’eau à Lubumbashi et construira ensuite 49 centres de distribution d’eau potable, 31 hôpitaux de 150 lits, 145 centres de santé de 50 lits, 4 grandes universités, le parlement et 20.000 logements sociaux.
- La China Railway Engineering Company (CREC) est une entreprise publique qui a posé les deux tiers des voies ferrées chinoises (quelque 400.000 km) et occupe 280.000 travailleurs. La CREC sera responsable de la rénovation de la ligne de chemin de fer entre les ports de Muambe, Matadi et Kinshasa, de la ligne de chemin de fer entre Kinshasa, Ilebo, Lubumbashi et Kasumbalesa, de la voie ferrée entre Lubumbashi, Kindu, Kalemie et le nord-est du Congo. À Kinshasa et aux alentours, 250 km de routes, dont un périphérique autour de la ville, seront construits, ainsi que de nombreuses routes ailleurs dans le pays.
- En outre, un accord a été conclu entre le gouvernement congolais et l’entreprise privée Shanghai Pengxin Group LTD en vue de développer des infrastructures avec des ‘finances couvertes par des richesses naturelles’. Shanghai Pengxin doit mobiliser 1 milliard de dollars, dont 850 millions affectés à l’exploitation minière et la construction d’infrastructures, et 150 millions à titre d’appui budgétaire accordé au gouvernement. L’accord indique que l’exploitation minière doit être suffisamment importante pour rembourser ce montant. Pengxin est autorisée à exploiter à Kamoya et Kambove.

Maak MO* mee mogelijk.

Word proMO* net als 2798   andere lezers en maak MO* mee mogelijk. Zo blijven al onze verhalen gratis online beschikbaar voor iédereen.

Ik word proMO*    Ik doe liever een gift

Over de auteur

Met de steun van

 2798  

Onze leden

11.11.1111.11.11 Search <em>for</em> Common GroundSearch for Common Ground Broederlijk delenBroederlijk Delen Rikolto (Vredeseilanden)Rikolto ZebrastraatZebrastraat Fair Trade BelgiumFairtrade Belgium 
MemisaMemisa Plan BelgiePlan WSM (Wereldsolidariteit)WSM Oxfam BelgiëOxfam België  Handicap InternationalHandicap International Artsen Zonder VakantieArtsen Zonder Vakantie FosFOS
 UnicefUnicef  Dokters van de WereldDokters van de wereld Caritas VlaanderenCaritas Vlaanderen

© Wereldmediahuis vzw — 2024.

De Vlaamse overheid is niet verantwoordelijk voor de inhoud van deze website.